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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 118

Le mardi 2 mai 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 2 mai 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La science rencontre le Parlement

L’honorable Rosa Galvez : Chers collègues, aujourd’hui, nous accueillons au Parlement des scientifiques de partout au pays dans le cadre du programme La science rencontre le Parlement. Depuis 2018, ce programme permet à des douzaines de scientifiques de rencontrer des parlementaires avec comme objectif de nous sensibiliser aux avancées scientifiques du Canada.

[Traduction]

La science et la technologie jouent un rôle essentiel dans le façonnement de notre société, de notre économie et de notre avenir. La prise de décisions fondées sur des données probantes garantit que les politiques et les règlements s’appuient sur les derniers progrès scientifiques.

Les avantages des politiques fondées sur les données scientifiques sont évidents : elles sont plus efficaces, car elles sont plus susceptibles d’atteindre les objectifs fixés et d’avoir une incidence positive sur la société. En effet, elles reposent sur une compréhension approfondie du problème à régler et sont conçues en fonction de ce qui s’est avéré efficace dans des situations semblables. Elles sont moins susceptibles d’avoir des conséquences imprévues, comme des effets négatifs sur d’autres secteurs de la société. Elles sont également plus transparentes, car elles reposent sur des données accessibles au public et sur une analyse rigoureuse, ce qui permet une plus grande transparence et une plus grande reddition de comptes. Cela permet au public d’avoir une plus grande confiance dans le processus décisionnel et dans les politiques mises en œuvre. Ces dernières s’adaptent mieux aux circonstances changeantes et aux nouvelles informations. Cette adaptabilité permet d’ajuster les politiques en fonction des nouvelles données disponibles ou de l’évolution de la situation sur le terrain.

En tant que sénateurs, nous devons veiller à ce que nos décisions politiques s’appuient sur les meilleurs faits et données scientifiques disponibles. Cela nécessite une formation continue et la participation d’experts de différents domaines. Nous devons rechercher de manière proactive des occasions de nous renseigner sur les questions importantes qui touchent les Canadiens et de rester informés des derniers progrès scientifiques et technologiques.

Pour ce faire, nous devons multiplier les occasions de mettre en relation les décideurs et les scientifiques. La science rencontre le Parlement est l’une de ces occasions, qui nous permet d’interagir avec des chercheurs de premier plan et des professionnels de l’industrie et d’en apprendre davantage sur leur travail. En favorisant les partenariats entre les scientifiques et les décideurs, nous pouvons promouvoir la prise de décisions fondées sur des données probantes et améliorer la qualité du travail des sénateurs.

[Français]

Chers collègues, nous devons profiter de chaque occasion d’apprendre des experts et des scientifiques; ce sont eux qui sauront nous guider vers un Canada plus fort et plus résilient.

[Traduction]

Je vous convie tous, chers collègues, à la réception de l’événement La science rencontre le Parlement, qui aura lieu à 18 heures dans la salle 310 de l’édifice Wellington. Merci. Meegwetch.

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de John Rafferty, président et chef de la direction de l’Institut national canadien pour les aveugles, de notre ancienne collègue l’honorable Asha Seth et de son mari, Arun Seth, de Deepak Anand, député de l’assemblée législative, et de sa femme, Aruna Anand. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Dagenais.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Mois national de la santé visuelle

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner que le mois de mai est le Mois de la santé visuelle au Canada.

Je le fais avec d’autant plus de plaisir et de conviction que cette désignation est une initiative qui remonte à 10 ans et qu’elle a été proposée par mon amie, l’ex-sénatrice Asha Seth, qui est présente parmi nous aujourd’hui avec des représentants de l’Institut national canadien pour les aveugles et du Conseil canadien des aveugles.

Ici, dans cette enceinte et dans sa vie professionnelle, la Dre Seth a toujours appuyé et défendu la cause des personnes aveugles ou ayant des problèmes de vision.

[Traduction]

La perte de la vue peut arriver à n’importe qui et survenir à n’importe quel moment. Selon Statistique Canada, 1,5 million de Canadiens sont totalement ou partiellement aveugles et plus de 5,6 millions de nos concitoyens ont un problème de santé qui menace leur vision.

[Français]

Les problèmes de vision ont un impact sérieux sur la vie quotidienne des gens, d’où l’importance d’appuyer toute stratégie politique et médicale visant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes.

Chers collègues, le Mois national de la santé visuelle devrait nous rappeler à quel point la vision est importante, et surtout à quel point la prévention est importante pour conserver notre santé visuelle.

[Traduction]

Pour que la santé oculaire, les soins de la vue et les services de réadaptation deviennent une priorité de santé publique, il faut le soutien du fédéral, et je suis impatient de voir ce que nous réussirons à faire au cours des 10 prochaines années que nous passerons à souligner le Mois de la santé visuelle.

Ce mois est aussi l’occasion de célébrer l’excellent travail des organismes qui viennent en aide aux gens qui perdent la vue.

[Français]

Je me permets donc de souligner que l’Institut national canadien pour les aveugles a été fondé au Canada il y a maintenant 105 ans, soit en 1918, pour venir en aide à nos vétérans de la Première Guerre mondiale.

[Traduction]

Alors qu’il n’avait au départ que 27 employés, il peut aujourd’hui compter sur plus de 11 000 professionnels et 10 000 bénévoles provenant de tous les domaines et répartis dans huit divisions opérationnelles pour offrir du soutien et des services aux aveugles du pays.

(1410)

Remercions-les tous de ce qu’ils font pour faciliter la vie des Canadiens dont la vue est déficiente.

[Français]

Si le temps le permet en fin de journée, vous êtes tous invités, collègues sénatrices et sénateurs, à une célébration pour marquer le Mois de la santé visuelle, qui aura lieu de 17 h à 19 h au Métropolitain.

Merci de votre attention.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable juge J. Patrick Moore et de l’honorable juge Tamarin Dunnet, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Oh.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois du patrimoine asiatique

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner le Mois du patrimoine asiatique.

Le mois de mai revêt un caractère spécial pour la communauté canado-asiatique. C’est le moment où le Canada célèbre la contribution et les sacrifices des Canadiens d’origine asiatique et réfléchit aux nombreux défis auxquels ces concitoyens ont été confrontés au cours de l’histoire nationale.

En dépit de la taxe d’entrée imposée aux Chinois et de la promulgation de la loi d’exclusion des Chinois, deux mesures prises il y aura 100 ans cette année, et de la résurgence du sentiment anti‑asiatique depuis la pandémie de COVID-19, la communauté asiatique a non seulement persévéré, mais elle a également prospéré et considérablement contribué à la prospérité actuelle de la nation canadienne.

En avril, j’ai eu l’honneur d’assister à la 26e édition du gala de remise des prix de l’Association des entrepreneurs sino-canadiens. Cet événement annuel vise à reconnaître la contribution notable de neuf entrepreneurs avant-gardistes qui sont des modèles de réussite commerciale et qui ont énormément contribué à la communauté par leurs services et leurs activités philanthropiques. Alors que ces pionniers témoignaient des nombreux obstacles qu’ils ont dû franchir, je me suis senti fier de savoir que nous vivons dans un pays qui favorise l’esprit d’innovation qui contribue à la création d’emplois et à la croissance économique.

Chers collègues, en terminant, j’aimerais réitérer que le Canada ne serait pas le pays qu’il est aujourd’hui sans les contributions de la communauté canado-asiatique. Cependant, je prends fièrement la parole au Sénat pour reconnaître que le Canada est un symbole d’espoir et un rayon de lumière sur la scène internationale en cette période de peur et d’incertitude, un havre de multiculturalisme et d’inclusivité culturelle. Nous nous efforçons de saluer les contributions de nos concitoyens de diverses origines.

En ce Mois du patrimoine asiatique, rendons hommage à la résilience des Canadiens d’origine asiatique et célébrons la mosaïque multiethnique de notre pays en encourageant les célébrations locales de notre patrimoine asiatique et en y participant.

Merci. Xie xie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la baronnesse Margaret de Vos van Steenwijk et de Mme Lysbeth van Valkenburg-Lely. Nahla Valji, conseillère principale de l’Initiative Spotlight au Bureau exécutif du secrétaire général des Nations unies, se trouve également à la tribune. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée de la robe rouge

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Journée de la robe rouge, aussi connue sous le nom de journée nationale de sensibilisation à la situation des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées, qui a lieu chaque année le 5 mai. La Journée de la robe rouge est l’une des nombreuses campagnes lancées par des militants pour attirer l’attention sur le nombre effarant de femmes, de filles et de personnes de diverses identités de genre autochtones qui risquent fort de vivre des situations pénibles comme les abus, la violence et la mort au Canada. Elle s’inspire du REDress Project de l’artiste métisse Jamie Black, une exposition d’art qui continue de suspendre des robes rouges dans des lieux publics pour représenter visuellement de façon percutante les proches qui devraient les porter aujourd’hui et les terribles souffrances et traumatismes avec lesquels les survivants, leurs familles et leurs communautés se débattent quotidiennement.

Dans le cadre de cette journée, on demande également au gouvernement, aux institutions et à d’autres intervenants de prendre des mesures concrètes et immédiates. Cela est essentiel, compte tenu de l’incapacité perpétuelle à mettre en œuvre les 231 appels à la justice énoncés par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en 2019.

Ces impératifs juridiques doivent être respectés afin de protéger et de sauver la vie des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre autochtones, qui méritent de vivre dans un pays où elles sont en sécurité et soutenues, peu importe où elles se trouvent.

Chers collègues, vendredi, des personnes de toutes les origines participeront à des marches et à d’autres activités à la mémoire des femmes, des filles et des personnes autochtones de diverses identités de genre qui sont disparues ou ont été assassinées, et en guise de solidarité avec les survivants, ainsi qu’avec les familles et les communautés touchées. Je prendrai part à une marche à Charlottetown, organisée par l’association des femmes autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard, le Conseil des Autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard, la Première Nation de Lennox Island, la Première Nation d’Abegweit, et la Confédération mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard.

J’espère que vous trouverez aussi des moyens de participer à la Journée de la robe rouge, y compris en réfléchissant à ce que vous pouvez faire personnellement pour améliorer les relations tendues et troublées entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Ensemble, nous pouvons bâtir un présent et un avenir où le pouvoir et la place des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre sont rétablis.

Défendons et épaulons les dirigeants autochtones et les militants, comme la sénatrice Michèle Audette, qui ont sensibilisé les gens à cette tragédie nationale et continuent de réclamer des mesures et des modifications urgentes.

Wela’lin. Merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Pierre Beauregard, d’Amelia Valdez, de Samuel Beauregard et d’Azfar Adib. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’accès au matériel sexuellement explicite en ligne

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je prends la parole pour saluer l’engagement de mes invités québécois : MM. Pierre Beauregard et Azfar Adib.

M. Adib est doctorant en génie informatique à l’Université Concordia. Ses recherches portent sur la technologie de vérification de l’âge sur Internet, afin d’assurer à la fois le droit à la vie privée et la sécurité des usagers, surtout des enfants.

Quant à Pierre Beauregard, il a été le citoyen le plus engagé dans mes efforts pour faire progresser le projet de loi S-210 visant à protéger les enfants de l’exposition à la pornographie. C’est sa propre vie, les épreuves qu’il a traversées, qui lui ont fait réaliser les risques pour les enfants de ces plateformes gratuites et accessibles sans aucune barrière.

En 2017, bien avant que je fasse sa connaissance, M. Beauregard a déposé une pétition à l’Assemblée nationale pour que le gouvernement du Québec impose la vérification de l’âge. Au fil de ses recherches et de ses démarches, il s’est fait de plus en plus de contacts partout dans le monde.

Depuis trois ans, il m’écrit pour me tenir au courant de tous les développements à ce sujet. Dans mon ancienne carrière, on aurait dit que M. Beauregard était une source extraordinaire. Aujourd’hui, il est un allié précieux. Merci, Pierre. Pour moi, l’appui des citoyens, des parents et des professionnels de la santé a été inestimable.

Alors que le projet de loi S-210 commence son périple à la Chambre des communes, les bonnes nouvelles se multiplient.

En Allemagne, le tribunal vient de trancher en faveur du gouvernement et contre MindGeek, le propriétaire de Pornhub, pour l’obliger à se conformer à la loi allemande qui impose la vérification de l’âge à tous les utilisateurs dans ce pays. Le fait que MindGeek garde ses serveurs à Chypre ne lui permet pas d’échapper à la loi allemande, qui vise à protéger ses enfants contre un danger sérieux.

Au Royaume-Uni, un vaste projet de loi sur la sécurité en ligne, qui impose la vérification de l’âge pour l’accès à la pornographie et à d’autres contenus préjudiciables, sera adopté d’ici le mois de juillet.

Aux États-Unis, la Louisiane a été récemment le premier État à imposer la vérification de l’âge pour la pornographie en ligne. Vingt-six autres États, dont la Californie, New York et le Massachusetts, ont adopté ou envisagent l’adoption de lois pour contrôler l’accès des mineurs à des contenus préjudiciables en ligne.

(1420)

Tout n’est pas gagné pour autant. Chez nous et ailleurs, certains continuent de résister ou de s’opposer à des règles qui relèvent pourtant du bon sens, ou dont les inconvénients sont mineurs par rapport à l’importance des objectifs poursuivis.

L’équilibre n’est pas facile à atteindre : il faut protéger les mineurs, mais préserver la vie privée; il faut protéger l’innocence de nos enfants, mais permettre ce qui est légal; il faut réglementer les contenus pornographiques, mais favoriser une éducation sexuelle moderne.

À mes yeux, ces écueils ne constituent pas une raison de renoncer à agir.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la Dre Christie Newton et du Dr Brady Bouchard. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Osler.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Collège des médecins de famille du Canada

L’honorable F. Gigi Osler : Honorables sénateurs, c’est un plaisir que des représentants du Collège des médecins de famille du Canada, ou CMFC, se joignent à nous aujourd’hui à la tribune. Il s’agit de la présidente, la Dre Christie Newton, et du président sortant, le Dr Brady Bouchard. Le Collège des médecins de famille du Canada représente 42 000 membres partout au pays. Il est le porte-parole de la médecine familiale au Canada.

Hier, c’était la Journée nationale des médecins, qui vise à reconnaître le travail des médecins dans les soins aux patients et dans l’édification d’un système de santé plus fort. Cette année, à l’occasion de cette journée, des représentants du CMFC se sont rendus à Ottawa pour rencontrer des parlementaires afin de promouvoir la médecine familiale.

En 2023, à cause de la pénurie de médecins de famille au Canada, on suppose que plus de 6 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille. Une étude de l’Association médicale canadienne montre que, au cours des dernières années, le pourcentage de diplômés en médecine qui choisissent la médecine familiale est passé de 38,5 % à 31,8 %.

Le CMFC réclame instamment qu’on améliore les soins primaires offerts au Canada. Il faut davantage de médecins de famille pour alléger la pression qui pèse sur ceux qui exercent déjà cette profession. Il faut se doter de mesures cohérentes et décisives permettant de former plus de médecins et d’en renforcer les capacités, en misant d’abord et avant tout sur les régions et les populations mal desservies. Nous pourrions ainsi soulager les professionnels de la santé déjà sur le marché du travail et faciliter l’accès aux soins. Malgré les sommes investies dernièrement dans la santé par le gouvernement fédéral, le financement des soins primaires au Canada équivaut à environ la moitié des sommes investies par de nombreux autres pays de l’OCDE.

Les médecins de famille sont la pierre angulaire du réseau de soins primaires. Beaucoup croient qu’une approche axée sur le travail d’équipe — médecins, infirmières praticiennes, auxiliaires médicaux, travailleurs sociaux, conseillers, etc. — permettrait de faciliter l’accès aux soins et d’améliorer la santé de la population. Or, cette approche suppose que les gouvernements repensent la manière dont les soins sont offerts et investissent les sommes nécessaires pour disposer des ressources humaines requises pour offrir des soins primaires complets de qualité.

Honorables sénateurs, les représentants du CMFC sont ici aujourd’hui pour proposer des solutions qui, à leur avis, permettront d’obtenir des résultats et d’améliorer la santé des gens. Merci aux sénateurs qui sont allés à leur rencontre et merci au Collège des médecins de famille du Canada pour son dévouement et son excellent travail. Merci. Meegwetch.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Le Budget supplémentaire des dépenses (C)—Dépôt du dixième rapport du Comité des finances nationales

L’honorable Percy Mockler : À titre de président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j’aimerais tout d’abord remercier les honorables sénateurs et sénatrices membres du comité ainsi que l’équipe de soutien pour leur travail.

Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse aujourd’hui au leader et membre du gouvernement libéral. Monsieur le leader, hier, le Globe and Mail a révélé le contenu d’un rapport très secret du SCRS datant de juillet 2021. Ce rapport affirme que l’ingérence de Pékin dans notre pays passe par un diplomate de la République populaire de Chine au consulat de Toronto qui s’en prend aux membres de la famille d’un député canadien « afin de faire de ce député un exemple et d’en dissuader d’autres d’adopter des positions hostiles à la République populaire de Chine ».

Le Globe and Mail affirme que le député concerné était Michael Chong et cite le nom d’un diplomate de la République populaire de Chine qui a pris pour cible la famille de ce dernier à Hong Kong. Le nom de ce diplomate a également été cité plus tôt cette année dans un autre article du Globe and Mail sur l’ingérence de Pékin dans notre démocratie.

Monsieur le leader, comment se fait-il que ce diplomate soit encore autorisé à demeurer au Canada? Comment se fait-il que ses menaces visant la famille d’un député n’inquiètent pas le gouvernement? Est-ce parce que M. Chong est un député conservateur?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse est non. Je vous remercie de votre question. C’est scandaleux. Il est scandaleux de s’ingérer dans notre processus démocratique et d’influencer des élus, quel que soit le parti auquel ils appartiennent. Michael Chong est un parlementaire respecté. Il jouit du respect des députés des deux côtés de la Chambre, ainsi que de celui de tous les sénateurs.

Comme les honorables sénateurs le savent, le premier ministre et le ministre Mendicino ont ordonné au directeur du SCRS d’assurer un suivi immédiat auprès de M. Chong. C’est inacceptable.

Le sénateur Plett : Ma question était de savoir pourquoi ce diplomate peut demeurer en sol canadien. Vous n’avez pas répondu à cette question.

Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau n’arrête pas de nous dire de faire confiance au processus secret mené par un membre de la fondation Trudeau et ami de la famille Trudeau pour faire enquête sur ce que le premier ministre et son personnel savaient au sujet de l’ingérence de Pékin.

Comme je l’ai demandé au ministre LeBlanc il y a une semaine, de quelle manière une personne qui a été ciblée par Pékin doit-elle s’y prendre pour faire rapport par écrit à un prétendu rapporteur spécial? Il n’y a aucun moyen de communiquer avec lui; pourtant, le ministre a affirmé que le rapporteur spécial avait rencontré les membres du Cabinet Trudeau, alors ces derniers savent certainement comment communiquer avec lui. Le ministre a affirmé qu’il communiquerait cette information. C’était il y a une semaine, monsieur le leader, et nous n’avons toujours pas la réponse.

Hier, on apprenait que la famille d’un député avait été ciblée et que le gouvernement Trudeau le savait depuis deux ans, mais que ce dernier n’a pas informé le député et n’a pas expulsé le diplomate concerné. Personne n’a été expulsé, mais vous continuez de vous accrocher à cette idée absurde de rapporteur spécial. Le processus relatif au prétendu rapporteur n’a aucune crédibilité. Il n’en a jamais eu et il n’en aura jamais. Quand aura-t-on droit à l’enquête publique entière et ouverte dont nous avons tellement besoin?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Le gouvernement est d’avis que la nomination du très honorable David Johnston au poste de rapporteur spécial est l’un des éléments importants d’une réponse gouvernementale responsable à cet enjeu complexe et important.

(1430)

À cet égard, j’inviterais de nouveau les sénateurs à choisir leurs mots judicieusement lorsqu’ils décrivent nos institutions et les personnes respectées qui exercent leurs fonctions au sein de celles‑ci.

L’ingérence étrangère

L’honorable Leo Housakos : J’aimerais que le leader du gouvernement se concentre sur le scandale de l’heure. Nous discuterons du rapporteur Johnston un autre jour.

Revenons au député Michael Chong. Sa famille et lui ont été ciblés par le régime de Pékin parce qu’il a proposé une motion à la Chambre des communes visant à reconnaître le génocide des Ouïghours. Une motion comparable avait été proposée au Sénat, mais malheureusement, les sénateurs nommés par Trudeau s’y sont opposés et elle a été rejetée. C’était un bien triste jour pour cette institution.

Si le premier ministre Trudeau n’a rien fait pour protéger Michael Chong parce qu’il est conservateur ou pour des raisons partisanes, c’est honteux. S’il n’a rien fait par pure incompétence — car il n’a jamais prouvé sa capacité de protéger les Canadiens de l’ingérence étrangère —, c’est tout aussi honteux.

Maintenant que les médias dénoncent l’inaction du premier ministre avec des preuves concrètes à l’appui, que fait ce dernier, chers collègues? Il réclame la tenue d’une autre enquête. Or, maintenant que tout le monde a démissionné de la fondation Trudeau, il commence à manquer de personnes à qui confier les enquêtes sur ses nombreux et divers manquements à son devoir. Qui nommera-t-il dans ce cas-ci? Sa mère? Son frère? En fait, chers collègues, peut-être se nommera-t-il lui-même. Je peux simplement l’imaginer. Qu’est-ce que je savais? Quand l’ai-je appris? Qui m’a informé? Pourquoi n’ai-je ensuite rien fait?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Et bien, je n’ai pas entendu de question, mais...

Le sénateur Housakos : Y a-t-il intérêt à mener une enquête?

Le sénateur Gold : Tout d’abord, comme vous l’avez dit, les renseignements publiés font partie d’un document confidentiel du Service canadien du renseignement de sécurité. Il revient certes au service du renseignement, et à lui seul, de décider quels renseignements confidentiels il conviendrait de divulguer. Voilà pourquoi le premier ministre a demandé à David Vigneault, le directeur du service, d’examiner cette question.

Encore une fois, ces questions sont compliquées. Elles sont très sérieuses, et le gouvernement les traite de manière responsable.

Le sénateur Housakos : Ces questions sont très sérieuses en effet, mais elles sont surtout sans fin. On dirait que ce qui ressort, de fois en fois, c’est que le premier ministre lui-même refuse de jouer franc jeu et de protéger les Canadiens contre l’ingérence étrangère.

Hier, nous avons appris que, contrairement à ce qu’avait soutenu le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, les postes de police illégaux contrôlés par Pékin n’ont pas tous fermé leurs portes. Au contraire, puisque les agents de Pékin ont aujourd’hui l’audace de déclarer publiquement qu’ils poursuivent leurs activités au Canada en général et à Montréal en particulier.

Ma question est très simple, sénateur Gold : quand ces postes de police illégaux seront-ils fermés? Quand le diplomate qui a pris Michael Chong et sa famille pour cible sera-t-il expulsé du pays? Quand le gouvernement va-t-il consentir à une enquête publique sur l’ingérence étrangère? Quand se dotera-t-il d’un registre qui permettra une fois pour toutes de connaître et de consigner le nom des agents qui s’immiscent dans les affaires du Canada? Quand le gouvernement s’attaquera-t-il sérieusement à l’ingérence étrangère et protégera-t-il les Canadiens qui se font intimider? Quand allons‑nous passer des belles paroles aux gestes concrets?

Le sénateur Gold : Le gouvernement a agi et il continue d’agir. Comme on l’a vu aux nouvelles, la GRC poursuit ses enquêtes sur les allégations qui ont été rapportées dans la presse. Il y aura des décisions qui seront prises et elles seront rendues publiques. Il est tout simplement inexact d’affirmer que le gouvernement ne fait rien pour protéger le Canada de l’ingérence étrangère.

J’ai répondu je ne sais combien de fois à cette question, et toujours avec des faits, et non des paroles creuses.

Le conflit au Soudan

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s’adresse à nouveau au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, je tiens à féliciter le gouvernement pour la rapidité avec laquelle il a évacué tant de personnes du Soudan et a ensuite demandé l’aide d’autres pays pour continuer à mener à bien cette opération d’évacuation.

Le Canada a ouvert la voie au Soudan en matière de médiation. Je sais que certains penseront que ce n’est pas le moment de faire de la médiation entre les seigneurs de la guerre, mais la dernière fois, la situation était encore pire. Que fait le Canada pour ramener la paix dans cette région?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour cette question et merci de reconnaître le travail que le gouvernement fait avec nos alliés pour essayer d’évacuer le plus grand nombre possible de Canadiens. Malheureusement, les circonstances sur le terrain ont rendu la situation trop dangereuse, mais les efforts se poursuivent. Comme nous le savons, la ministre est au Kenya et travaille avec nos alliés.

Le passage des saisons nous apprend qu’il y a un temps pour chaque chose. Pour l’instant, le gouvernement canadien se concentre sur la sécurité des Canadiens dans la région. Je me renseignerai sur les plans à plus long terme qui pourraient être mis en place pour aider à mettre fin à la violence. Il n’est pas évident que le moment soit propice à ce genre de démarche, car les combats font rage, et l’accent doit être mis sur la sûreté et la sécurité des Canadiens, mais je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : Merci, sénateur. Vous avez bien raison de dire qu’il y a un temps et un lieu pour chaque chose, mais le monde est petit. Même si nous parvenons à évacuer des Canadiens, il y a des Soudanais qui souffrent terriblement, en particulier des femmes et des enfants.

Quels efforts humanitaires le Canada déploie-t-il avec d’autres pays pour aider cette région? Nous ne devons pas oublier que les Soudanais souffrent eux aussi.

Le sénateur Gold : En effet, nous ne pouvons et ne devons pas l’oublier. Ce n’est pas ce que nous faisons d’ailleurs. La ministre Joly rencontre actuellement des groupes d’aide humanitaire, entre autres, au Kenya pour déterminer le rôle que nous pouvons jouer, en coordination avec d’autres, pour alléger les souffrances humaines engendrées par cette guerre et cette violence.

À cet égard, le Canada demeure déterminé à faire ce qu’il peut avec l’aide de ses alliés et partenaires.

La sécurité publique

Le racisme anti-Asiatiques

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Gold, vous venez d’entendre le sénateur Housakos faire une allégation grave et sans fondement contre les Canadiens d’origine chinoise qui participent aux activités de certains organismes communautaires à Montréal. Bien entendu, il a fait référence à l’annonce du ministre Mendicino, qui a déclaré que tous les fameux postes de police chinois sur notre territoire ont été fermés, y compris ceux supposément situés dans les locaux du Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal et au Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, à Brossard.

Sénateur Gold, quelles preuves la police a-t-elle trouvées pour étayer l’allégation selon laquelle des postes de police chinois étaient établis à Montréal? Quelles sont les activités illégales auxquelles les policiers canadiens ont mis fin?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, merci pour votre question. Comme je l’ai mentionné dans ma réponse, sénateur Woo, je crois comprendre que la GRC poursuit son enquête sur cette affaire et, à ma connaissance, elle n’a pas publié ses constatations ni ses résultats. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question.

Le sénateur Woo : Cette réponse m’amène à demander pourquoi le ministre a dit que tous les postes de police chinois ont été fermés. En fait, aucun élément de preuve n’a été présenté pour confirmer l’existence de postes de police chinois à Montréal et aucune information n’indique que ces deux organismes ont quoi que ce soit à se reprocher.

Cependant, la désignation de ces deux groupes et la déclaration faite à la légère dans laquelle le ministre Mendicino a affirmé que tous les postes de police ont été fermés font maintenant planer une ombre sur ces organismes pour des motifs uniquement liés à la peur, aux préjugés et, si j’ose dire, au racisme. Le financement pour l’excellent travail de ces organismes a été éliminé, ce qui inclut des cours de français et des services d’établissement pour les nouveaux immigrants. Le Service à la famille chinoise du Grand Montréal, un organisme qui existe depuis 50 ans, se trouve maintenant au bord du gouffre.

Sénateur Gold, quand le gouvernement précisera-t-il que les deux organismes n’ont rien fait de mal, et qu’ils sont plutôt la cible d’allégations irresponsables, y compris celle que nous avons entendue aujourd’hui au Sénat? Comment le gouvernement indemnisera-t-il les organismes pour les pertes financières et les atteintes à la réputation qu’ils ont subies?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question, sénateur Woo. Comme je l’ai dit, je crois comprendre que des enquêtes sont toujours en cours. Je vais donc m’informer au sujet des questions que vous avez soulevées dans le but d’obtenir une réponse le plus rapidement possible.

[Français]

Le Secrétariat du Conseil du Trésor

Les négociations contractuelles

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Le gouvernement a conclu une entente qui a mis fin à la grève de 120 000 fonctionnaires fédéraux, laquelle durait depuis le 19 avril.

Je vous dirais qu’après s’être traîné les pieds dans cette négociation, le gouvernement accorde maintenant aux fonctionnaires 11,5 % d’augmentation de salaire par rapport aux 12,6 % qu’ils réclamaient et qu’ils méritaient.

(1440)

Comme ancien chef syndical, je serai toujours étonné de voir les gouvernements laisser traîner les choses plutôt que de négocier sérieusement avec les syndicats. Au-delà de l’aspect financier, cette grève de 20 jours cause maintenant d’autres retards dans l’émission des passeports, l’émission des visas aux étrangers et le traitement des dossiers d’immigration, comme si la situation n’était pas déjà assez catastrophique pour les personnes en attente de ces services.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement, qui n’a jamais fait preuve de retenue en matière de dépenses publiques, a tant tardé à accorder aux fonctionnaires ce qu’ils demandaient? Il se félicite maintenant d’avoir accordé des conditions équitables, mais c’est après 20 jours de grève qu’il l’a fait. Ce délai a eu un impact sur la vie des Canadiens qui aurait pu être évité. Entre vous et moi, où est la logique de cette négociation?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, cher collègue.

Le gouvernement a investi sa confiance dans le processus de négociation collective, car ce processus est le meilleur pour protéger les intérêts des travailleurs et des travailleuses, mais aussi le tissu social du Canada.

Comme vous le savez, les négociations prennent du temps. Il n’y a pas que les questions financières qui étaient en jeu. Il y avait aussi la question importante du télétravail. Il a fallu un certain temps au gouvernement pour arriver à une position et une offre finale responsable et prudente, d’un point de vue fiscal, pour éviter l’effet domino sur les provinces et sur les autres pourparlers. Il a fallu aussi du temps pour que le syndicat se rende compte que l’offre gouvernementale était juste. Je ne crois pas qu’il a fallu 20 jours, mais le processus a pris du temps.

Ultimement, on en est arrivés à un résultat qui est bon pour les Canadiens et pour les travailleurs et travailleuses de la fonction publique. Le résultat est bon aussi pour le Canada, car il nous donne une période de stabilité qui durera, je l’espère, au moins quatre ans.

Le gouvernement est content du résultat obtenu, tout en reconnaissant qu’une grève pose toujours des inconvénients pour les Canadiens et les Canadiennes.

Le sénateur Dagenais : Vous avez parlé du télétravail. En tant qu’ancien leader syndical, je souhaiterais que vous informiez la présidente du Conseil du Trésor qu’une lettre d’entente sur le travail à domicile fait partie intégrante d’une convention collective.

Cette convention collective représente une hausse salariale annuelle de 1,3 milliard de dollars. Je ne m’oppose pas au travail à domicile. Toutefois, j’aimerais savoir si votre gouvernement connaît le coût réel de la lettre d’entente sur le travail à domicile. Comme il nous y a habitués depuis quelques années, le gouvernement signe parfois des ententes sans se soucier de ce qu’il en coûtera aux Canadiens.

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Je n’ai pas les chiffres ici, et les détails ne sont pas tous d’ordre public, car il s’agit d’une entente de principe, comme vous le savez, sénateur Dagenais. Dès que les détails seront plus clairs, que le gouvernement aura une idée du coût du télétravail et que ces données seront rendues publiques, je les communiquerai.

Si je comprends bien, le processus en place pour régler les enjeux entourant le télétravail n’est pas fixé. Un comité se penchera là‑dessus et on traitera les demandes au cas par cas. Cela dit, je vais faire mon possible pour obtenir les chiffres et les fournir à la Chambre dans les plus brefs délais.

[Traduction]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandes de visas

L’honorable Patricia Bovey : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, vous savez qu’en juillet et en août, Winnipeg sera l’hôte de l’édition 2023 des Jeux mondiaux des policiers et pompiers. Les préparatifs vont bon train, les infrastructures sont prêtes, les chambres d’hôtel sont réservées et la ville s’apprête à accueillir l’événement sportif international qui arrive au deuxième rang en importance après les Jeux olympiques d’été. Les athlètes sont des policiers, des pompiers et des ambulanciers paramédicaux de métier. Autrement dit, Winnipeg accueillera des premiers répondants et leur famille à l’occasion de ces jeux, qui constituent un important événement touristique, doublement bienvenu après la COVID.

Toutefois, un problème se pose.

De nombreux athlètes de l’Inde se sont vu refuser un visa parce que les autorités canadiennes craignent apparemment qu’ils restent au Canada. Sénateur Gold, ces athlètes sont des professionnels qui ont une carrière dans leur pays d’origine. L’Inde doit accueillir ces jeux dans quelques années et y enverra des organisateurs ainsi que des athlètes. Il va sans dire que nous voudrons que des policiers et des pompiers canadiens participent à ces jeux.

Pouvez-vous assurer aux organisateurs que les visas seront accordés à ces athlètes pour que les jeux puissent avoir lieu? Quand les visas seront-ils délivrés? Le temps presse puisque les jeux débuteront dans moins de 90 jours.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

Le gouvernement comprend la déception et les préoccupations liées au retard dans le traitement des demandes et, bien sûr, aux refus de visas dont vous avez fait mention. Le gouvernement travaille en étroite collaboration avec les organisateurs de cet événement, et de tous les événements et conférences d’envergure, pour fournir des conseils sur le processus entourant les demandes de visas. Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a mis en place des mesures pour faciliter l’entrée des délégués et des participants à de grands événements comme celui‑là.

Chers collègues, il est indéniable que la grève dans la fonction publique a affecté la capacité de traitement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, au cours des dernières semaines. Cependant, le gouvernement réaffirme par mon entremise sa détermination à minimiser les répercussions de ces moyens de pression et à revenir aux normes de service habituelles.

Pour répondre à votre question de façon plus précise, le gouvernement est au courant de la situation entourant cet événement et m’a assuré qu’il s’emploie à accommoder les participants dans toute la mesure du possible.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie. Je suis encouragée, et ils le seront aussi. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral est un important bailleur de fonds de cet événement.

Je tiens à préciser que tous les participants ont reçu une lettre de l’administration des jeux portant le numéro d’enregistrement de l’événement. Cette lettre a été envoyée dans le cadre du programme des événements spéciaux d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, avec le soutien de l’Agence des services frontaliers du Canada.

Je crois savoir que l’Inde est le seul pays, parmi la cinquantaine de pays attendus, à se voir refuser l’octroi de visas. Bien entendu, nous voulons éviter que cela devienne une source d’embarras sur la scène internationale, alors j’espère que vous pouvez nous assurer que le travail sera fait très rapidement pour amener ces athlètes au même stade de la procédure que les autres en ce qui concerne leur capacité à venir au Canada.

Le sénateur Gold : Merci de votre observation.

Chers collègues, il est important de comprendre et de reconnaître que le Canada s’engage et adhère à une application non discriminatoire et équitable de ses lois en matière d’immigration. Toutes les demandes provenant du monde entier sont évaluées selon les mêmes critères.

À cet égard, je vous assure à nouveau, madame la sénatrice de même que les autres sénateurs, que le gouvernement est conscient de ce problème, qu’il l’étudie et qu’il fera de son mieux pour le résoudre en temps utile.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Victor Oh : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, un rapport récent de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada décrit en détail les difficultés auxquelles font face de nombreux Canadiens pour assumer simplement les dépenses de la vie courante. Le rapport, intitulé Vulnérabilité des consommateurs : Résultats du Sondage sur le bien-être financier lié à la COVID-19, montre que 38 % des Canadiens affirment qu’ils doivent emprunter de l’argent pour couvrir leurs dépenses courantes, par rapport à 26 % en 2020.

Le recours aux prêteurs en ligne ou aux prêts sur salaire pour gérer leurs dépenses quotidiennes a plus que triplé parmi les Canadiens, et près d’un tiers d’entre eux déclarent être à court d’argent à la fin du mois. Monsieur le leader, les immigrants récents, les Autochtones et les femmes sont tout particulièrement vulnérables dans chacun de ces cas.

À la lumière de ce rapport, pourquoi le gouvernement Trudeau a‑t-il cru que c’était le bon moment pour augmenter les impôts?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et merci de souligner le fait que tant de Canadiens éprouvent encore des difficultés à se procurer le minimum nécessaire.

Certes, la baisse de l’inflation se poursuit, mais pas à la même vitesse à l’épicerie ou dans d’autres secteurs. Cela dit, le gouvernement du Canada a été et continue d’être là pour aider les Canadiens à cet égard. Cette semaine, nous poursuivons le débat en deuxième lecture du projet de loi C-46, qui aidera 11 millions de Canadiens à se nourrir. La loi d’exécution du budget et les énoncés économiques précédents prévoient également une série de mesures pour aider les Canadiens.

Il est également vrai que le gouvernement continue d’aller de l’avant, et qu’il le fait sans hésitation, en mettant des mesures en place pour tarifer la pollution afin d’établir un juste équilibre entre l’aide offerte aux Canadiens qui en ont le plus besoin en ce moment et les mesures nécessaires dans l’intérêt de leurs enfants, de leurs petits-enfants et de la planète.

Les affaires étrangères

L’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, il ne fait aucun doute que le don de 200 000 $ que la fondation Trudeau a reçu de la part du régime communiste de Pékin visait à influencer M. Trudeau et à perturber la démocratie canadienne.

Vendredi, l’ex-présidente de la fondation Trudeau, Pascale Fournier, a révélé à un comité de la Chambre que son prédécesseur, Morris Rosenberg, avait induit les Canadiens en erreur en soutenant que les 200 000 $ donnés par Pékin à la fondation provenaient du Canada et non de l’étranger. Mme Fournier affirme qu’il existe des courriels et des reçus qui montrent qu’en réalité, une association liée à Pékin a dicté les termes du transfert de fonds.

Monsieur le leader, à la lumière du témoignage livré par Mme Fournier la semaine dernière, le gouvernement estime-t-il toujours que c’était une bonne idée de demander à M. Rosenberg de rédiger le rapport sur l’ingérence étrangère dans les élections de 2021, alors qu’il a induit la population en erreur quant à l’origine du don que l’on sait?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Morris Rosenberg était un éminent serviteur de l’État, qui a bien servi son pays et dont le rapport et les conclusions ont été bien reçus de toutes parts.

J’ignore ce qui était de l’ordre du connu à l’époque, tout comme j’ignore ce qui a été communiqué à M. Rosenberg ou aux autres au moment où ce don a été fait. Nous savons et nous comprenons beaucoup plus de choses aujourd’hui qu’à l’époque. Même si une personne utilise l’expression « induire en erreur » — que j’ai d’ailleurs déjà entendue à mon endroit — cela ne signifie pas pour autant que c’est vrai.

Le Cabinet du premier ministre

La Fondation Pierre Elliott Trudeau

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Vous savez, monsieur le leader, chaque fois que nous soulevons une question, vous remettez en question notre intégrité plutôt que celle des gens qui ont enfreint des lois et qui mentent.

Vendredi dernier, l’ancienne présidente de la fondation Trudeau a dit au comité de la Chambre des communes que les membres du conseil d’administration de la fondation lui ont reproché de vouloir connaître la vérité derrière le don de 200 000 $ offert par Pékin. Vous dites que M. Rosenberg est une personne respectée. Or, il nous a induits en erreur en disant une fausseté.

Monsieur le leader du gouvernement, il est ridicule que vous mainteniez que le premier ministre n’a aucun lien avec la fondation.

Monsieur le leader, le 11 avril 2016, une rencontre a eu lieu entre les sous-ministres de cinq ministères et la fondation Trudeau. Cette rencontre a eu lieu non loin d’ici, monsieur le leader, au quatrième étage de l’édifice où se trouve le bureau du premier ministre. Cette rencontre a eu lieu six mois seulement après l’accession de Justin Trudeau au poste de premier ministre, et trois ans après qu’il ait affirmé ne plus s’occuper des affaires de la fondation.

Il y a des dizaines de salles de réunion à Ottawa où on aurait pu tenir la rencontre, mais elle n’a eu lieu dans aucune d’elles. La raison pour laquelle elle a eu lieu au bureau du premier ministre est évidente pour tout le monde, même pour vous, monsieur le leader. Comment pouvez-vous justifier cela? J’ai des questions très simples à vous poser, monsieur le leader, et je vous prie d’y répondre. Ne me dites pas à quel point tout le monde est respectable.

Monsieur le leader, trouver la réponse à ces questions ne devrait pas vous prendre beaucoup de temps. Est-ce qu’il s’agit là de la seule rencontre entre la fondation Trudeau et le Cabinet du premier ministre, ou est-ce qu’il y en a eu d’autres? Si ce n’est pas la seule, combien d’autres rencontres ont-elles eu lieu, quand ont-elles eu lieu, et pourquoi ont-elles eu lieu au bureau du premier ministre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je vous l’avais indiqué précédemment dans ma réponse, honorable collègue, les rencontres ont eu lieu à l’édifice Langevin, pas dans le bureau du premier ministre. Il importe de bien comprendre que — c’est l’édifice où se trouve le bureau du premier ministre — ce sont des fonctionnaires qui ont participé aux rencontres. L’itinéraire du premier ministre n’indique aucune preuve qu’il ait participé à une telle rencontre. Le premier ministre a déclaré qu’il n’avait pas été informé d’une telle rencontre. En outre, d’autres personnes ayant participé à ces rencontres à l’édifice Langevin ont affirmé ou déclaré publiquement que le premier ministre n’est pas nécessairement informé de toutes les réunions qui ont lieu dans cet édifice.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Downe après la période des questions du 30 mars dernier, ainsi qu’un rappel au Règlement subséquent soulevé par le sénateur Housakos le 25 avril.

En ce qui a trait au rappel au Règlement du 30 mars, les propos tenus lors de la période des questions, qui ont suscité les inquiétudes, laissaient entendre qu’une personne de l’autre endroit, titulaire d’une charge publique de haute importance, avait induit les Canadiens en erreur. Par la suite, un terme très fort, qu’il convient d’éviter dans le cadre des travaux parlementaires, a été employé. Suite à une demande de la part d’un sénateur, plusieurs autres sénateurs ont offert des contributions sur cette question le 19 avril.

L’article 6-13(1) du Règlement porte sur le langage utilisé pendant les délibérations. Il stipule que « [l]es propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement ». Tel qu’indiqué à la page 85 de La procédure du Sénat en pratique :

Il n’existe pas de liste définitive de mots ou d’expressions jugés non parlementaires. La décision d’inclure des propos dans cette catégorie relève essentiellement du jugement du Président et de la volonté du Sénat. Le ton utilisé et les circonstances particulières jouent un rôle important à cet égard.

Ce n’est, bien sûr, pas la première fois que de telles questions sont soulevées. Je note, en particulier, un rappel au Règlement semblable soulevé le 3 décembre 2020, concernant des remarques faites au cours du débat sur une motion visant à autoriser un comité à étudier un contrat gouvernemental.

J’exhorte à nouveau les honorables sénateurs à être conscients de la nécessité de faire preuve de prudence lorsqu’ils prennent part aux délibérations. En particulier, la pratique parlementaire veut que « les remarques irrévérencieuses au sujet du Parlement dans son ensemble ou de la Chambre [des communes] ou du Sénat en particulier ne [soient] pas permises ». Ceci figure à la page 620 de la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, qui poursuit en soulignant que « [c]ette règle protège également les députés et sénateurs ». En parlant de nos collègues, que ce soit au Sénat ou à l’autre endroit, nous devrions donc être guidés par la nécessité de faire preuve de respect et d’éviter les attaques personnelles mal venues, y compris la mise en cause des motivations.

Le rappel au Règlement connexe du sénateur Housakos soulevé le 25 avril traitait de remarques et d’actions qui ont eu lieu entre des sénateurs suite à un échange au Sénat. Il a affirmé qu’un sénateur en particulier avait été « calomnié et offensé » et a fait référence à l’article 2-9(2) du Règlement, qui stipule que « [l]e sénateur qui s’estime lésé peut s’adresser au Sénat pour obtenir réparation du tort qui lui a été fait dans la salle du Sénat [...] ». D’autre part, certains collègues ont affirmé que le langage et les actions en question n’étaient pas excessifs et n’étaient pas sans précédent au Sénat.

Honorables sénateurs, le privilège de siéger au Sénat s’accompagne de responsabilités. Nous travaillons tous ensemble pour servir les intérêts de notre pays. Nous pouvons certainement être en désaccord, et même en désaccord profond. De fait, l’échange d’idées contradictoires est essentiel à la santé de notre régime parlementaire. Nous devrions, toutefois, agir avec courtoisie et respect envers nos collègues parlementaires, et toutes les personnes avec lesquelles nous traitons ou que nous mentionnons. Nous sommes tous responsables d’assurer le bon fonctionnement de cette institution, et nous devons éviter de la discréditer ou de nous discréditer entre nous.

Les mots et les actions sont puissants. Le Parlement devrait être un exemple de débat productif et respectueux, d’un type que nous ne voyons pas toujours ailleurs dans la société. Nous avons un rôle en tant que leaders et devons choisir nos mots avec sagesse. Plus concrètement, je m’inquiète de la façon dont ces questions pourraient nuire à la culture du Sénat et des effets délétères qu’elles pourraient avoir sur nos travaux.

Compte tenu de tous ces éléments, je suis certain que les honorables sénateurs comprendront les préoccupations soulevées. Les sénateurs auraient pu faire valoir leurs opinions bien arrêtées de manières moins incendiaires. Je recommande fortement aux sénateurs de faire preuve de modération et de retenue afin que nous puissions accomplir au mieux notre travail au nom de tous Canadiens. La collaboration de tous les collègues est essentielle; le Sénat doit demeurer un espace de débat respectueux tout en conservant sa caractéristique d’entité où chacun d’entre nous assume la responsabilité du maintien de l’ordre et du décorum.

Dans ces cas spécifiques, je dois conclure que les événements dont les sénateurs Downe et Housakos se sont plaints ont effectivement dépassé les limites d’un comportement parlementaire approprié. Je prie les sénateurs de tenir compte de ces éléments à l’avenir. Des actions spécifiques relatives à ces cas nécessiteraient, toutefois, une décision du Sénat, conformément à notre responsabilité collective quant au fonctionnement de notre Sénat.

(1500)

[Traduction]

Le Code criminel

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-251, le projet de loi du sénateur Kutcher qui propose d’abroger l’article 43 du Code criminel. Cette disposition autorise les enseignants et les parents — et les personnes qui remplacent les parents — à employer la force, dans une mesure raisonnable, pour corriger un enfant.

Le projet de loi dont nous sommes saisis s’inscrit dans la continuité d’un travail de longue haleine et d’une grande détermination à réaliser cette réforme. Au cours des 30 dernières années, 17 projets de loi ont été déposés, dans les deux Chambres, en vue d’abroger ou de modifier l’article 43, dont celui de notre ancienne collègue la sénatrice Hervieux-Payette.

Pourquoi cette tentative-ci devrait-elle réussir alors que tant d’autres ont échoué? Je proposerai cinq raisons.

Premièrement, l’abrogation de l’article 43 n’est plus seulement une question de droits des enfants. Comme le reconnaît le projet de loi à l’étude, l’abrogation de l’article 43 est une étape nécessaire pour respecter l’engagement du Canada en faveur de la réconciliation, comme le recommande l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et de réconciliation.

Deuxièmement, ce faisant, le Canada rejoindra un nombre croissant d’États. En 2004, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision historique sur l’article 43 dans l’affaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général). À l’époque, 15 États interdisaient toute forme de châtiment corporel à l’égard des enfants. Aujourd’hui, ce nombre dépasse les 65, et 27 États supplémentaires se sont :

[...] clairement et publiquement engagés à adopter sans délai une loi interdisant explicitement toutes les formes de châtiments corporels infligés aux enfants, aussi légères soient‑elles, dans tous les contextes, y compris à la maison.

Troisièmement, le Canada doit abroger l’article 43 pour être en mesure de respecter ses obligations internationales. Il est vrai, comme on peut le lire dans le jugement rendu par la majorité des juges de la Cour suprême en 2004 dans l’affaire Canadian Foundation, que la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies « n’exige [pas] explicitement que les États parties interdisent toute infliction d’un châtiment corporel à un enfant ».

Par contre, il est aussi vrai que, deux ans plus tard, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a souligné que la convention suppose l’élimination de toute disposition autorisant l’usage d’un certain degré de violence à l’égard des enfants à leur domicile, dans leur famille ou dans tout autre cadre.

Le comité a d’ailleurs mentionné spécifiquement, pour illustrer le genre de dispositions qui doivent être éliminées, celles qui autorisent une « correction raisonnable » — ce que fait justement l’article 43 de notre Code criminel. Ainsi que l’a expliqué le comité, « comme tous les instruments relatifs aux droits de l’homme, la convention doit cependant être conçue comme un instrument vivant, dont l’interprétation évolue dans le temps ».

Quatrièmement, les données probantes concernant l’efficacité des punitions corporelles, ou plutôt leur inefficacité, sont claires et convaincantes. Les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents « ne jouent aucun rôle utile dans leur éducation et, de plus, comportent des risques pour leur développement », comme l’ont déjà souligné des sénateurs qui sont intervenus au sujet de ce projet de loi. Les nombreuses recherches au sujet des « conséquences néfastes des punitions corporelles pour les enfants, tout au long de leur vie, et de leurs méfaits pour la société » devraient d’ailleurs nous faire réfléchir.

Cela m’amène à la cinquième et dernière raison pour laquelle cette tentative d’abrogation de l’article 43 doit réussir. Il s’agit du fait que l’acceptabilité sociale de l’article 43 ne se dirige que dans une seule direction : à la baisse.

Depuis 2004, 673 organismes d’un océan à l’autre ont signé la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents. Cette déclaration, qui a été élaborée par « une coalition nationale d’organismes facilitée par le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario », recommande diverses mesures, y compris de « fournir aux enfants la même protection contre les agressions physiques que celle accordée aux adultes du Canada ».

Cela exige l’abrogation de l’article 43, qui prive les enfants — et seulement les enfants — d’une protection égale par rapport aux dispositions du droit pénal sur les agressions.

(1510)

À ce point-ci de la discussion, je crois qu’il serait bon qu’on prenne un moment pour faire l’historique de l’article 43, car on verra tout de suite que ses origines ne sont plus ni pertinentes ni d’actualité.

Les origines de l’article 43 se trouvent dans la version originale du Code criminel, qui a été adoptée par le Parlement du Canada en 1892, peu après la Confédération. À l’époque, l’article 55 inscrivait dans la loi canadienne la règle de common law anglaise dite du « châtiment raisonnable ». Il ne s’agit donc pas d’une invention canadienne, mais, comme je viens de le dire, d’un principe de common law.

Ce principe a vu le jour dans le jugement R. c. Hopley, qui a été rendu en 1860 et qui mettait en cause un enseignant qui a battu à mort un élève adolescent à qui il voulait infliger un châtiment corporel. Il a été accusé d’homicide involontaire.

Même si cet enseignant a été reconnu coupable, l’affaire Hopley reconnaissait qu’il est permis d’infliger « [...] un châtiment corporel modéré et raisonnable [...] » s’il a pour but de « [...] corriger ce qui est mauvais chez l’enfant [...] ».

Ce qui est intéressant, c’est que le jugement Hopley s’appuie sur des principes de droit romain, y compris celui de la patria potestas, selon quoi le père a droit de vie et de mort sur ses enfants.

Voici ce qu’on peut lire dans les Commentaires sur les lois anglaises de William Blackstone :

L’ancienne loi romaine donnait au père le droit de vie et de mort sur ses enfants, d’après ce principe, que celui qui a donné peut aussi reprendre [...]

Les lois anglaises donnent au père un pouvoir bien plus modéré [...], suffisant néanmoins pour contenir son enfant dans l’ordre et dans l’obéissance. Elles lui permettent de corriger raisonnablement son fils mineur, cette correction ayant pour but le bien de l’éducation de l’enfant [...] Il peut aussi, pendant sa vie, déléguer une partie de l’autorité paternelle au précepteur ou au maître d’école de son fils, lequel est alors in loco parentis et reçoit du père cette partie de son pouvoir, qui consiste à réprimer et à corriger autant qu’il est nécessaire pour remplir la tâche dont il est chargé.

Bien entendu, la variété des conduites défendables aux termes de l’article 43 depuis la décision de 2004 de la Cour suprême est beaucoup plus restreinte que ce qui a déjà été permis au nom de la « correction raisonnable ». Toutefois, la source de ce principe remonte à l’époque de l’Empire romain, il y a 2 000 ans, lorsqu’un homme était le maître de sa demeure, de sa femme et de ses enfants et qu’il avait le pouvoir ultime en matière de correction, car l’éducation passait par la correction. Heureusement, les enseignants ne sont plus ce genre de personne, comme ma valeureuse leader le sait.

Toutefois, tandis que nous étudions l’avenir de l’article 43, je crois qu’il est important de ne pas oublier le passé. La raison d’être de l’article 43 porte et a toujours porté sur une seule chose : autoriser le châtiment corporel des enfants dans le but de les corriger.

Je voudrais conclure en abordant les craintes que suscite l’abrogation de l’article 43 — c’est-à-dire comment la juge Arbour les a formulées en 2004 — et elle était dissidente —, selon lesquelles :

L’invalidation de l’article 43 [...] n’exposera pas les parents et les personnes qui les remplacent à l’application systématique du droit criminel pour le moindre geste qui constitue, strictement parlant, des voies de fait.

Bien sûr, elle se moquait de la menace.

Pour emprunter un exemple au débat, je pense que nous sommes tous d’accord, chers collègues, pour dire qu’aucun parent ne devrait être passible de sanctions pénales pour avoir forcé un enfant réticent à s’asseoir dans un siège d’auto. Cependant, j’espère que nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucun parent ne devrait avoir la permission de donner un coup à son enfant après l’avoir installé dans le siège d’auto.

De même, je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucun enseignant ne devrait être sanctionné pénalement pour être intervenu afin de mettre fin à une bagarre ou pour avoir demandé à un élève perturbateur de quitter la classe.

Cela m’est arrivé par le passé. On m’a demandé d’aller dans le couloir plusieurs fois. Je me comporte beaucoup mieux maintenant.

Toutefois, j’espère que nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucun enseignant ne devrait avoir la permission de « sortir la règle » — ou pire — comme c’était le cas il n’y a pas si longtemps.

Je me souviens que les religieuses utilisaient la règle en classe. Elles nous demandaient de nous avancer et de tendre la main, puis elles la frappaient.

Les rapports avec les enfants, que ce soit à titre de parents ou d’enseignants, impliquent une gamme de contacts physiques qui sont loin de correspondre aux types de comportements qui nous viennent à l’esprit lorsqu’il est question de châtiments corporels. C’est indéniable. Il convient alors de se demander si le droit pénal et la procédure pénale, tels qu’ils sont structurés actuellement, permettraient d’inculper ceux qui ne font qu’agir à titre préventif.

Il convient peut-être de laisser au comité le soin de donner une réponse précise à cette question dans le cadre de son étude. Toutefois, je voudrais souligner que, selon les observations de la Cour suprême, et d’après l’expérience d’autres pays qui ont abrogé des dispositions semblables à l’article 43, cela n’a pas eu de telles conséquences.

En 2004, lorsque la majorité des juges de la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de l’article 43, trois des neuf juges n’étaient pas d’accord. La juge Arbour, notamment, s’est efforcée de répondre à la question de savoir ce qui, dans le droit canadien, protégerait les parents et les enseignants malgré l’abrogation de l’article 43.

Elle a estimé que « [l]es moyens de défense de common law fondés sur la nécessité et le principe de minimis protègent suffisamment ceux et celles, parmi eux, qui adoptent un comportement excusable ou anodin ».

Il convient également de tenir compte du rôle important — et efficace — du pouvoir discrétionnaire des procureurs pour ce qui est d’écarter les cas anodins et insignifiants.

De la même manière, l’article 34 du Code criminel porte sur la défense de soi-même ou des autres. On peut intervenir pour se protéger soi-même ou protéger une autre personne; c’est un motif de défense. Dans le cas d’un enseignant qui interviendrait pour séparer deux élèves qui se battent, par exemple, il est difficile de voir quelle protection supplémentaire l’article 43 ajouterait à celle déjà conférée par l’article 34 du Code criminel.

Ailleurs sur la planète, l’expérience récente de la Nouvelle-Zélande, qui a abrogé une disposition semblable, a montré que la Couronne ne poursuivait pas les enseignants qui ont séparé des élèves qui se battaient. D’ailleurs, en 2007, la Nouvelle-Zélande est même allée plus loin. Elle a modifié la Loi sur les crimes de façon à interdire tous les châtiments corporels des enfants, y compris à la maison. Cette mesure ciblait les parents.

Il y a également la Cour suprême d’Israël qui, en 2000, a supprimé la défense fondée sur le concept de correction raisonnable, qui provenait des fondements en common law du droit du pays et avait subsisté jusqu’alors. La cour avait alors affirmé que, « dans les cas insignifiants qui ne justifient pas l’application de la loi dans le cadre de la justice pénale », le tribunal a invoqué les mécanismes du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, la règle de minimis et le principe de nécessité.

En conclusion, je crois que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles devrait étudier attentivement le projet de loi, apaiser les inquiétudes soulevées par certaines associations d’enseignants, essayer de mettre les choses en contexte et rappeler à la population que l’article 43 peut être abrogé sans que cela cause une catastrophe.

Chers collègues, je crois qu’il est temps de faire savoir aux Canadiens que le châtiment corporel n’est pas la bonne façon d’éduquer un enfant. Ce n’est pas ainsi qu’on éduque un enfant de nos jours. Peut-être que les Romains estimaient que c’était la bonne façon de faire, mais je crois que nous devrions nous détacher de ces vieilles sources. Merci beaucoup. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1520)

Projet de loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-224, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole au sujet du projet de loi C-224, Loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies. Je suis honoré d’en être le parrain au Sénat et vous remercie de me donner le temps et l’occasion d’en expliquer l’importance et de faire valoir pourquoi il doit être renvoyé au comité dans les plus brefs délais.

Honorables sénateurs, en général, les travailleurs ne s’attendent pas à ce que leur travail les fasse mourir. Or, c’est exactement ce qui se produit chez les pompiers partout au pays, et ce, à un rythme alarmant, en raison de leur constante exposition à des niveaux élevés de substances cancérigènes. Le projet de loi C-224 est un pas positif pour aider à remédier à ce problème, et il comprend deux principales mesures en vue de soutenir les pompiers canadiens dans leur combat contre le cancer.

Premièrement, le projet de loi vise à mieux faire connaître les cancers liés à la lutte contre les incendies en désignant le mois de janvier « Mois de la sensibilisation au cancer chez les pompiers ».

Deuxièmement, et c’est la mesure la plus cruciale, le projet de loi vise à établir un cadre national pour étudier ces cancers. En effet, sans travaux de recherche, sans données à jour et sans communication d’information entre les municipalités et les provinces, les pompiers continueront de procéder à l’aveuglette lorsqu’il s’agit de se protéger au travail. Chers sénateurs, j’aimerais vous parler aujourd’hui de la raison d’être de ce projet de loi et des façons dont il pourrait aider les femmes et les hommes des services d’incendie qui risquent leur vie pour sauver la nôtre.

Je dirais que beaucoup de sénateurs n’accepteraient pas un emploi qui nécessite de courir tête première vers le danger. Les chances que nous acceptions cet emploi seraient encore plus minces après avoir appris qu’il nous exposerait à un risque quatre fois plus élevé de développer un cancer. C’est pourquoi nous sommes sénateurs, et non pompiers.

Ce que je viens de décrire, c’est l’emploi de près de 126 000 pompiers qui travaillent dans quelque 3 200 services d’incendie aux quatre coins du pays. Ces femmes et ces hommes courageux se présentent au travail en sachant que 85 % des demandes d’indemnisation pour accident du travail mortel dans leur profession sont attribuables à des cancers professionnels.

Pendant des décennies, nous avons adopté une approche disparate pour nous attaquer à la question des cancers liés à la lutte contre les incendies. Alors que certaines provinces et certains territoires ont reconnu jusqu’à 20 types de cancers liés à la lutte contre les incendies, d’autres n’en ont reconnu que 9. Cette situation est inacceptable pour les pompiers et leur famille. La capacité des travailleurs d’obtenir une indemnité d’accident du travail parce que leur travail les a rendus malades ne devrait pas dépendre de la province ou du territoire dans lequel ils vivent, un point c’est tout.

Le projet de loi C-224 s’attaque à ce problème en prévoyant l’élaboration d’un cadre national pour examiner le lien entre la lutte contre les incendies et le cancer et cerner les lacunes dans la formation et l’éducation des pompiers et des professionnels de la santé en ce qui concerne la prévention et le traitement du cancer.

Le cadre prévoira également des recommandations concernant les dépistages périodiques des cancers liés à la lutte contre les incendies. Il encouragera le partage des connaissances sur la prévention et le traitement des cancers liés à la lutte contre les incendies. Ce projet de loi contribue grandement à aider les pompiers canadiens à se concentrer sur une seule chose : faire leur travail.

Chers collègues, il est vrai que les pompiers, comme tous les premiers répondants, s’engagent à prendre un certain degré de risque. Ils s’engagent à venir en aide à leurs voisins dans les pires moments de leur vie. Ils entrent dans des bâtiments quand tout le monde s’enfuit et, de plus en plus, ils répondent à des appels médicaux. Cependant, ils ne se sont pas engagés à mourir. Ce n’est le cas d’aucun travailleur au pays.

Aujourd’hui, nous demandons à nos pompiers de prendre des risques qui vont au-delà du devoir et de ce que toute personne raisonnable devrait attendre d’eux. Les familles ne devraient pas être forcées de voir leurs proches tomber malades et risquer de les perdre à cause d’un cancer professionnel.

J’ai récemment eu l’honneur de m’entretenir avec Craig et Alisen Bowman, de Welland, en Ontario. Craig a 47 ans, il est l’époux d’Alisen et le père de deux enfants, Lexi et Colin, dont il est très fier. Il a été pompier professionnel pendant plus de 20 ans pour la Ville de Welland. En mai dernier, on lui a diagnostiqué un cancer de l’œsophage de stade 4.

Comme vous pouvez vous en douter, Craig était en bonne santé et en bonne forme avant son diagnostic. Personne dans sa famille n’avait eu de cancer, et ses médecins estiment que c’est son métier de pompier qui est à l’origine de sa maladie. Comme si sa famille n’était pas déjà assez éprouvée, voilà que Craig n’a pas droit aux indemnités offertes aux travailleurs, car pour un cancer de l’œsophage, il faut 25 années de service, et il lui en manque deux.

La maladie de Craig aurait pu être évitée, chers collègues. Nous le savons maintenant. Nous avons en effet appris qu’outre les dégâts causés par les incendies eux-mêmes, l’équipement de protection peut aussi rendre les pompiers malades.

C’est sans parler du fait qu’il arrive souvent qu’ils n’ont pas les installations ou les protocoles pour procéder à une décontamination en règle, qui est nécessaire pour atténuer les effets des substances cancérigènes qui collent à leur équipement. Nous avons besoin de ce cadre national afin de mieux comprendre les répercussions à court et à long terme de ces éléments sur la santé des pompiers.

Les pompiers savaient déjà tout ça. Depuis des années, ils poussent un cri d’alarme au sujet des taux élevés de cancer dans leur profession, et ils avaient raison. Selon l’Association internationale des pompiers, 95 % des pompiers qui meurent dans l’exercice de leurs fonctions meurent d’un cancer lié à leur métier.

Dernièrement, l’Organisation mondiale de la santé a désigné le métier de pompier comme une profession cancérigène du groupe 1, ce qui confirme qu’il s’agit de l’un des métiers les plus dangereux du monde.

Sénateurs, le projet de loi C-224 vise à fournir des données concrètes, des solutions et des mécanismes de reddition de comptes aux pompiers qui doivent vivre avec la menace constante d’un cancer professionnel. L’élément « reddition de comptes » est particulièrement important.

Dans l’année suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, le ministre responsable doit présenter un rapport énonçant le cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies.

Dans les cinq ans suivant la date du dépôt de ce rapport, le ministre doit faire rapport au Parlement de l’efficacité du cadre national ainsi que de l’état de la prévention et du traitement des cancers liés à la lutte contre les incendies.

Différentes provinces et différents territoires se penchent sur ce dossier depuis des années. Espérons que le projet de loi C-224 les encouragera à poursuivre leur collaboration et aidera les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral à prendre de meilleures décisions pour les pompiers canadiens.

Avant de conclure, je tiens évidemment à remercier ma collègue de l’autre endroit, la députée Sherry Romanado, du travail qu’elle fait pour défendre les intérêts des pompiers. Comme vous le savez, il faut du doigté pour faire progresser un projet de loi d’initiative parlementaire à l’autre endroit. C’est d’autant plus vrai pour le faire adopter avec le soutien unanime de tous les partis. Les députés reconnaissent que ces personnes protègent nos familles et assurent la sécurité de nos collectivités.

Je remercie également l’Association internationale des pompiers et l’Association canadienne des chefs de pompiers des efforts qu’elles déploient pour défendre leurs membres et les travailleurs. Bon nombre des pompiers qui luttent pour l’application des changements inspirés par le projet de loi C-224 ne vivront pas assez longtemps pour profiter des retombées. Pourtant, ils cherchent inlassablement à créer un milieu de travail plus sûr pour la relève.

(1530)

Honorables collègues, nous ne risquons rien en adoptant ce projet de loi. Il a été adopté à l’unanimité par la Chambre des communes parce que les députés ont reconnu que le temps presse, et que les pompiers ont besoin de notre protection et de notre soutien. Nous avons besoin de recherches et de données pour protéger nos pompiers afin qu’ils puissent mieux nous protéger.

Le projet de loi C-224 nous offre une formidable occasion de faire ce qu’il faut pour eux. Adoptons donc maintenant ce projet de loi, et renvoyons-le au comité pour un examen plus approfondi. Les pompiers et leur famille ne peuvent pas attendre. Je crois que cette mesure législative sera extrêmement utile pour notre pays, de même que pour les hommes et les femmes qui font tant de bien en notre nom à tous. Merci beaucoup.

L’honorable Andrew Cardozo : Sénateur Yussuff, je vous remercie de votre discours et de votre initiative dans ce dossier. Je remercie également la députée Sherry Romanado.

À l’évidence, il est inconcevable que les pompiers portent des uniformes qui, même s’ils sont conçus pour les protéger contre le feu, présentent pour eux un danger parce qu’ils contiennent des substances cancérogènes qui les exposent à un risque mortel. Est-ce qu’on pourra simplement instaurer les normes, ou le gouvernement fédéral devra-t-il négocier avec les gouvernements provinciaux? Le processus sera-t-il interminable, une fois le projet de loi adopté?

J’ajoute que je serai certainement heureux d’appuyer le projet de loi.

Le sénateur Yussuff : Merci beaucoup pour cette question. Comme vous le savez, je pense que la majorité des règlements en matière de santé et de sécurité au travail relèvent des gouvernements provinciaux et territoriaux. C’est là qu’il faut mettre le plus d’efforts, dans le contexte de ce que certaines provinces et certains territoires font déjà. Bien entendu, ce n’est pas facile, car il n’y a pas d’approche uniforme dans la façon de traiter le cancer à l’échelle du pays, et encore bien moins dans la façon d’empêcher les pompiers d’être exposés aux substances cancérogènes présentes lorsqu’ils vont combattre un incendie.

J’ai espoir, si ce projet de loi est adopté, que le fait que le gouvernement fédéral prenne l’initiative contribuera à coordonner cet effort et à mettre de l’avant une approche nationale montrant comment mieux protéger les pompiers dans leur travail. J’espère surtout que cette mesure permettra d’appliquer correctement la réglementation. En outre, il pourrait bien entendu y avoir une action nationale coordonnée pour déterminer comment étudier les effets de ces substances cancérogènes sur les pompiers, ainsi que l’évolution de leurs maladies dans leur vie quotidienne.

Par-dessus tout, l’équipement que les pompiers utilisent pour se protéger lorsqu’ils vont combattre un incendie ne doit pas les rendre malades. Il faut donc redoubler d’efforts pour trouver des moyens de décontaminer l’équipement de protection qu’ils utilisent au quotidien. À l’heure actuelle, la manière d’aborder cette question à l’échelle du pays manque d’uniformité.

De plus, la recherche peut nous aider à trouver une meilleure façon d’aider les pompiers à se protéger après avoir lutté contre un incendie dans les collectivités de l’ensemble du pays.

L’honorable Pat Duncan : Je remercie le sénateur de parrainer ce projet de loi, et j’aimerais aussi indiquer que je suis prête à l’appuyer. Je suis désolée de ne pas vous avoir donné de préavis à ce sujet. J’aimerais poser une question complémentaire à celle du sénateur Cardozo.

Comme vous le savez, j’ai eu à gérer des dossiers liés à l’indemnisation des travailleurs et j’ai aussi défendu les intérêts des travailleurs. Comme vous l’avez indiqué, les mesures qui sont prises dans ce dossier ne sont pas du tout uniformes à l’échelle du pays, et il est grand temps d’apporter des réformes à cet égard.

Je me demande si, dans le cadre de l’étude de ce projet de loi de la Chambre des communes, vous avez envisagé, ainsi que d’autres personnes qui se penchent sur la question, d’apporter des modifications ou de mettre en place un processus qui pourrait nous aider à convaincre de façon amicale les commissions des accidents du travail de l’ensemble du pays d’adopter le genre de norme et de cadre réglementaire que vous avez proposés.

Le sénateur Yussuff : Merci beaucoup pour cette question. Je pense que vous abordez l’une des difficultés les plus fondamentales auxquelles les pompiers et leur famille sont confrontés lorsqu’ils tombent malades à cause de leur travail. Bien entendu, ce sont les provinces qui, dans une large mesure, établissent les systèmes d’indemnisation des travailleurs, et c’est à elles d’adapter leur système pour reconnaître que ces substances cancérigènes ont des répercussions graves sur la vie de ces travailleurs dans l’exercice de leurs fonctions. Bien sûr, il n’y a pas d’uniformité d’une province à l’autre.

Il est aujourd’hui ahurissant de constater que, dans certaines provinces ou certains territoires, 29 des substances cancérigènes sont reconnues pour ce qu’elles sont tandis que, dans d’autres, il s’agit de 9 ou 16, voire moins.

Ainsi, la réalité est que les pompiers qui ont la chance de vivre dans une province ou un territoire éclairé qui a pris la décision d’allonger sa liste des substances cancérigènes auxquelles les travailleurs peuvent être exposés dans le cadre de leur travail bénéficieront d’indemnités pour accident du travail s’ils tombent malades, mais que ceux qui vivent dans bien des régions glisseront entre les mailles du filet.

Comme vous le savez, il n’existe pas de régime d’indemnisation des accidents du travail au niveau fédéral. Selon moi, il serait imprudent d’apporter un amendement au projet de loi dans l’espoir que cela motivera les provinces. Il serait essentiel que le gouvernement fédéral essaie de rassembler les provinces et les territoires, d’une part parce qu’il serait positif et instructif de montrer ce que font déjà certaines provinces et certains territoires, et d’autre part parce que certains d’entre eux ont besoin de reconnaître que c’est la voie à suivre.

Je sais que votre territoire se démarque en matière de reconnaissance des substances cancérigènes, et ce, grâce à un leadership politique éclairé. Il reste toutefois beaucoup à faire dans d’autres provinces.

De nombreux pompiers qui souffrent de cancers liés à ces agents cancérigènes espèrent que, dans un avenir proche, l’ensemble des provinces et des territoires adopteront une norme commune sur la manière de traiter les travailleurs lorsqu’ils tombent malades et, plus important encore, qu’ils leur accorderont évidemment l’indemnisation dont ils ont besoin. Il faut toutefois reconnaître que l’indemnisation n’empêchera pas des gens de mourir à cause d’un agent cancérigène et qu’il y a là un défi plus important à relever. Comment empêcher ces substances cancérigènes de se retrouver dans la société? Plus important encore, comment garantir que l’équipement utilisé par ces travailleurs lorsqu’ils entrent dans les bâtiments et les maisons pour lutter contre les incendies ne les rende pas malades par la suite?

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup de cette réponse. N’y aurait-il donc pas une plus grande marge de manœuvre si le projet de loi et le règlement étaient axés sur l’équipement? Si j’ai bien compris, il s’agit d’un argument clé qui a été présenté.

Par ailleurs, les commissions des accidents du travail se réunissent au moins une fois par an. Toutes les commissions du pays se réunissent. Peut-être devrait-on recommander que le ou la ministre responsable du projet de loi participe à cette réunion et tente de travailler avec les provinces et les territoires sur cette question très importante.

Le sénateur Yussuff : Merci encore de votre question complémentaire. Je crois que l’uniforme des pompiers est problématique, car s’il protège contre le feu, il ne protège pas contre les substances cancérigènes.

Je ne doute pas qu’on finira par créer de meilleurs uniformes, mais entretemps, nous devons trouver le moyen de bien les décontaminer quand les pompiers reviennent des lieux d’un incendie.

Même si le projet de loi ne précise pas de quel ministre il relèvera s’il est adopté, à mon humble avis, il devrait s’agir du ministre du Travail et de celui de la Santé, car ce sont les deux piliers de ce texte législatif. Ces deux ministres devront s’entendre sur la manière dont ils solliciteront leurs collègues des provinces et des territoires afin de faire respecter le projet de loi, mais aussi pour répondre à quelques-unes des questions que vous avez posées. Le ministre du Travail, par exemple, pourrait s’occuper de l’uniformité d’un bout à l’autre du pays et de la manière dont les cancers propres aux pompiers sont traités par les régimes d’indemnisation des travailleurs.

En même temps, puisque ce sont les lois provinciales sur la santé et la sécurité qui régissent l’équipement et l’usage qui en est fait, il y aurait moyen, si jamais l’équipement nécessaire existait à certains endroits du pays, de trouver une méthode universelle pour décontaminer les uniformes des pompiers.

(1540)

Il serait également important que ces deux ministres collaborent, mais aussi que leur collaboration permette de régler tous les points que ce projet de loi tente de régler, en tenant compte du fait qu’il faudra l’appui des provinces et des territoires pour changer le système canadien actuel, qui est une mosaïque de systèmes en fait. Espérons que la persuasion morale et les efforts politiques pourront changer les choses au bout du compte.

Comme vous le savez, les hommes et les femmes qui font ce travail ne se posent pas de questions. Ils comprennent qu’il existe un risque. J’en ai parlé aux membres de la famille de Craig. C’était très difficile, car j’étais incapable de leur expliquer pourquoi le système d’indemnisation des accidents du travail de l’Ontario refuse de leur accorder des indemnités et pourquoi, alors qu’ils en ont le plus besoin, ils doivent se demander ce qui va arriver s’ils n’obtiennent pas ces indemnités.

Il faudrait faire quelque chose pour l’épouse et les deux enfants de Craig pendant qu’il suit son traitement. Je crois que c’est terrible. Comme vous le savez, les pompiers sont conscients que leur travail est dangereux. Par ailleurs, ils choisissent ce métier. La société admet que les pompiers sont nécessaires. Sans eux, qui viendra à notre rescousse pour lutter contre les incendies?

Pourtant, ces travailleurs sont confrontés à des difficultés juridiques. À mon avis, si le Sénat adopte ce projet de loi et que celui-ci entre en vigueur, nous pourrons sans doute accélérer les efforts du gouvernement fédéral en tant que chef de file dans le but de rassembler tous les éléments ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux, afin de réaliser l’objectif de ce projet de loi.

Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-224. Je tiens à remercier le sénateur Yussuff d’avoir parrainé le projet de loi et d’avoir formulé des observations utiles et détaillées.

Dans tout le pays, 32 000 pompiers et 100 000 pompiers volontaires jouent un rôle essentiel pour assurer notre sécurité et celle de nos collectivités. Les Canadiens respectent les pompiers. Nous apprécions le travail qu’ils accomplissent, un travail à la fois essentiel et dangereux.

Lorsque les pompiers répondent à un appel, ils savent qu’ils peuvent être confrontés à des dangers immédiats. Ils savent qu’il peut y avoir des risques physiques chaque fois qu’ils pénètrent dans un bâtiment en feu. Un toit peut s’effondrer, un plancher peut céder, et j’en passe.

Les pompiers sont également confrontés à un certain nombre de dangers moins immédiats lorsqu’ils interviennent sur un incendie. Comme le sénateur Yussuff nous l’a dit, et comme nous le savons, certains produits ménagers deviennent très dangereux lorsqu’ils brûlent. Cela signifie que lorsqu’ils sont appelés sur les lieux d’un incendie, les pompiers peuvent être exposés à des substances toxiques, telles que des ignifugeants potentiellement nocifs dans les meubles rembourrés, les matelas ou les appareils électroniques.

Nous savons que les ignifugeants chimiques peuvent sauver des vies en ralentissant l’allumage et la propagation du feu, mais ils peuvent également avoir des effets nocifs sur la santé, comme le cancer, lorsqu’ils sont brûlés et inhalés.

Bien que l’exposition à ces substances soit rare et restreinte pour la majorité des gens, elle est plus fréquente pour les pompiers. En réalité, les pompiers sont plus à risque de développer un cancer et, malheureusement, d’en mourir en raison de l’exposition à ces substances. C’est vrai pour presque tous les types de cancers, chers collègues, mais c’est particulièrement le cas pour les cancers du système digestif, de la bouche ainsi que des voies respiratoires et urinaires.

Par ailleurs, selon des recherches récentes, les femmes et les personnes issues de groupes racialisés qui exercent la profession de pompier sont encore plus à risque de développer un cancer et d’en mourir.

Chers collègues, le cancer représente 86 % des demandes d’indemnisation à la suite d’un décès lié au travail chez les pompiers au Canada. Or, ces sombres statistiques ne s’appliquent pas uniquement aux pompiers canadiens. Le sénateur Yussuff a mentionné le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS. En effet, au mois de juillet de l’année dernière, ce centre, qui est l’organisme spécialisé de recherche sur le cancer de l’OMS, a classifié comme cancérogène l’exposition des pompiers à des substances toxiques. En reconnaissance de cette réalité, l’Association internationale des pompiers a désigné janvier comme Mois de la sensibilisation aux cancers des pompiers.

Le gouvernement est déterminé à protéger les pompiers du pays. C’est pourquoi il a mis en œuvre diverses mesures d’appuis pour eux. Le gouvernement du Canada a créé le Programme de subvention commémoratif pour les premiers répondants afin de soutenir les familles des pompiers et des premiers répondants qui ont perdu la vie à cause des tâches liées à leur emploi. Grâce à ce programme, le gouvernement fédéral verse à ces familles un montant forfaitaire unique non imposable qui peut atteindre 300 000 $.

Le gouvernement a également élaboré un plan d’action fédéral visant à protéger les pompiers contre les produits chimiques nocifs libérés par les incendies résidentiels. Annoncé en 2021, le plan d’action est axé sur les ignifugeants chimiques qui se trouvent, comme je l’ai mentionné il y a un instant, dans de nombreux articles ménagers, y compris les meubles rembourrés et les appareils électroniques, pour ne nommer que ces deux-là.

Nous faisons des progrès importants dans la lutte contre les ignifugeants chimiques nocifs et dans le soutien de la mise au point et de l’utilisation de solutions de rechange plus sûres.

En outre, le gouvernement du Canada fait des investissements considérables dans la prévention du cancer et la recherche sur le cancer, y compris la recherche sur les liens entre la lutte contre les incendies et le cancer. Entre 2015 et 2020, le gouvernement a investi environ 927 millions de dollars dans la recherche sur le cancer par l’intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada.

Le gouvernement du Canada appuie également le Partenariat canadien contre le cancer et CARcinogen EXposure Canada, un institut qui fait le suivi de l’exposition aux cancérogènes professionnels et environnementaux sur le lieu de travail.

Chers collègues, le projet de loi C-224 demande au ministre de la Santé d’élaborer un cadre national visant à mieux faire connaître les cancers liés à la lutte contre les incendies et à améliorer l’accès à la prévention et au traitement du cancer pour les pompiers.

Comme le souligne le sénateur Yussuff, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui comporte essentiellement trois parties : premièrement, il appuie l’amélioration de l’accès à la prévention et au traitement du cancer pour les pompiers; deuxièmement, il désigne le mois de janvier comme Mois de la sensibilisation au cancer chez les pompiers; et enfin, il établit de nouvelles exigences en matière de rapports sur l’efficacité du cadre, y compris un rapport qui doit être présenté au Parlement.

Ce projet de loi créera un cadre commun sur lequel le gouvernement pourra se fonder pour la suite des choses. Ce cadre aura la mobilisation comme pierre angulaire et il permettra aux parties intéressées et aux autorités concernées de mettre en commun l’information dont elles disposent et de faire profiter les autres de leurs bons coups.

De cette façon, le gouvernement du Canada pourra sensibiliser la population et faire connaître aux autres les pratiques exemplaires des parties intéressées et des autorités concernées, le tout dans le but que les pompiers du pays, quel que soit l’endroit où ils vivent, aient droit à la meilleure prévention et aux meilleurs traitements qui soient.

Le gouvernement du Canada appuie sans réserve le projet de loi C-224, et s’il entend respecter les compétences des provinces et des territoires et continuer à tisser des liens avec eux, il espère pouvoir mieux protéger les pompiers du pays.

S’il se dote d’un cadre national, le gouvernement du Canada pourra continuer d’agir. Il pourra chercher à améliorer l’accès des pompiers aux programmes de prévention du cancer et aux traitements. Il pourra financer la recherche sur les liens entre le métier de pompier et certains types de cancer et en faire connaître les résultats, il pourra faciliter la collecte de données sur la prévention et le traitement des cancers liés à lutte contre les incendies de même que la diffusion de l’information et des connaissances pertinentes, notamment en ce qui concerne les besoins en formation, en éducation et en orientation. Il pourra recommander aux pompiers de subir régulièrement des tests de dépistage du cancer et il pourra préparer un résumé des normes qui identifient les cancers liés à la lutte contre les incendies comme une maladie professionnelle.

Le gouvernement entend en outre désigner le mois de janvier Mois de sensibilisation aux cancers chez les pompiers. Il n’y a rien de tel, chers collègues, pour mobiliser l’ensemble des personnes concernées, qu’il s’agisse des pompiers eux-mêmes ou des professionnels de la santé du Canada, et les convaincre de se renseigner sur ce sujet capital.

[Français]

En conclusion, j’aimerais remercier encore une fois le sénateur Yussuff, qui a parrainé ce projet de loi, et le sénateur Wells, porte‑parole du projet de loi.

Grâce à un cadre national, le gouvernement du Canada améliorera notre compréhension des liens entre la lutte contre les incendies et le cancer et adoptera une approche plus proactive pour prévenir le cancer chez les pompiers.

Ce gouvernement travaillera en étroite collaboration avec les provinces, les territoires, les groupes autochtones, les scientifiques, les professionnels de la santé et la communauté des pompiers pour façonner ce cadre, afin d’élaborer une approche qui répond aux besoins des pompiers de tout le pays.

Avec tous ses partenaires, le gouvernement poursuivra ses efforts visant à mieux protéger les pompiers contre les produits chimiques nocifs et, au bout du compte, à réduire les risques de cancer liés à l’exposition professionnelle. Les pompiers canadiens ne méritent rien de moins.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1550)

[Traduction]

Affaires étrangères et commerce international

Budget—L’étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (Budget—étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada), présenté au Sénat le 25 avril 2023.

L’honorable Peter M. Boehm propose que le rapport soit adopté.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question pour le sénateur Boehm.

Je remarque qu’il s’agit d’un rapport portant sur un budget. Je voulais demander, dans l’intérêt des autres sénateurs — et à l’instar de la sénatrice Lankin au sujet d’un rapport précédent —, quelle serait la nature du voyage. Aussi, quels en sont les résultats escomptés? Vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur le budget. Merci.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup, sénatrice Martin. C’est effectivement en vue d’un voyage, et ce voyage devait avoir lieu plus tôt. Le budget révisé — à la baisse — qui y est associé a été soumis à l’approbation du Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités, puis du Comité de la régie interne, des budgets de l’administration.

Ce voyage se fait dans le cadre de la longue étude qui vise à déterminer si Affaires mondiales Canada est structuré de manière à bien répondre aux besoins. Il s’ajoute à un premier voyage à Washington que le comité a fait en décembre dernier. Cette fois-ci, le comité se rendra à Londres, à Oslo et à Berlin. Cependant, le nombre de personnes qui voyagera sera moindre, puisque seul le déplacement du président et de six membres du comité a été autorisé.

Pourquoi ces trois villes-là? Parce qu’elles se trouvent dans des pays dont la vision de la politique étrangère est comparable à la nôtre. Ils ont eux aussi intégré leurs fonctions d’aide au développement dernièrement — le Foreign & Commonwealth Office du Royaume-Uni porte d’ailleurs maintenant le nom de Foreign, Commonwealth and Developpement Office — et les Norvégiens ont fait comme les Allemands parce qu’ils pensent de la même façon.

Même s’il ne s’agit pas d’un examen à proprement parler, nous voulons connaître les conditions dans lesquelles évolue leur service extérieur, comme le recrutement du personnel et le soutien qui leur est offert. Ce voyage doit avoir lieu la dernière semaine avant la reprise des travaux en septembre, ce qui veut dire que le Sénat ne siégera pas, et il s’agit essentiellement du dernier volet de l’étude que nous avons entamée en avril dernier.

J’espère que cela vous est utile.

L’honorable Percy E. Downe : J’ai également une question à poser.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Boehm, souhaitez-vous répondre à d’autres questions?

Le sénateur Boehm : Oui, bien sûr.

Le sénateur Downe : Vos propos selon lesquels l’ensemble des membres du comité ne participent pas à l’étude me préoccupent. La tradition de longue date veut que les sénateurs qui participent aux réunions des comités dans cette Chambre ou dans les salles de comités participent à l’ensemble de l’étude. Y a-t-il des sénateurs qui n’y ont pas participé au Sénat? Est-ce la raison pour laquelle ils n’y participent pas? Certains refusent-ils ils d’y participer? Des restrictions ont-elles été imposées?

Le sénateur Boehm : Merci, sénateur Downe. L’une des recommandations que nous avions formulées à la première occasion au Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités ainsi qu’au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration était que nous devrions peut-être chercher à réduire le nombre de sénateurs qui participent à des voyages.

En pratique, lors du voyage à Washington, la moitié seulement des membres du comité y ont participé. Étant donné que c’est souvent le cas, que ce soit parce qu’un sénateur tombe malade ou a un empêchement, je suppose que nous chercherons à réduire le nombre de sénateurs qui y participeront. La deuxième fois que nous nous sommes penchés sur la question, l’idée était de réduire le nombre de sénateurs qui participeraient aux voyages.

À mon avis, le budget devrait prévoir la participation de l’ensemble des membres du comité, afin de traiter tous les sénateurs — tous les membres du comité — sur un pied d’égalité. Cependant, dans la pratique, cela n’est pas toujours le cas.

Le sénateur Downe : À l’évidence, la politique a changé. Il y a quelques années, lorsque j’étais membre du Comité de régie interne, la position était claire. Les sénateurs participaient aux études, mais, comme vous l’avez mentionné, il y a toujours des motifs qui empêchent certaines personnes de voyager. Il n’y avait jamais d’allocation complète. Cependant, je ne comprends pas comment le comité peut produire un rapport quand certains de ses membres ont participé à toutes les réunions et que d’autres non. Même s’ils peuvent lire les transcriptions ou regarder les réunions par Zoom, il y a des nuances qui leur échapperont. Que ferez-vous pour régler ce problème au moment de rédiger le rapport?

Le sénateur Boehm : Eh bien, merci, sénateur Downe. Cette étude est en cours depuis un certain temps — depuis avril l’année dernière. À mon avis, tous les membres du comité ont été suffisamment en contact avec différents témoins. Je n’ai pas les données à portée de main quant au nombre de témoins que nous avons reçus, mais je crois que produire un rapport au moyen des données et des renseignements que nous avons recueillis ne sera pas si difficile et que les sénateurs seront prêts.

En outre, au sujet du voyage dont j’ai parlé, nous ne cherchons pas de sénateurs de remplacement non plus. Tous les membres ont eu accès aux informations d’une façon ou d’une autre.

Le sénateur Downe : C’est ma dernière question. J’invite à la prudence. La réputation du Sénat repose sur l’excellent travail effectué par les comités, notamment grâce aux différents rapports rédigés au fil des ans — le rapport de l’ancien sénateur Croll sur la pauvreté, par exemple. Les comités ont beaucoup voyagé en dehors d’Ottawa et ont eu une influence considérable sur l’évolution des niveaux de pauvreté au Canada lorsque les recommandations ont été adoptées par les différents gouvernements au cours des années suivantes.

Le sénateur Kutcher nous dira si c’est encore politiquement correct ou non de le dire, mais je pense que la question est de savoir si nous sommes en train de jeter le bébé avec l’eau du bain. À mon avis, nous devons être extrêmement prudents et veiller à ne pas réduire les coûts à la base même du Sénat. Est-ce que le fait qu’à l’avenir tous les membres des comités doivent se déplacer pour participer aux études est une source de préoccupation pour vous?

Le sénateur Boehm : Je suis d’accord avec vous, sénateur Downe.

L’honorable Denise Batters : Merci. Sénateur Boehm, vous avez fait allusion à un budget dans l’une de vos réponses au sénateur Downe. Toutefois, je ne vous ai pas entendu préciser le montant de ce budget. Bien sûr, il est question ici d’un voyage à l’extérieur du Canada, comme c’était peut-être le cas du voyage d’étude sur la pauvreté. Il est question d’un voyage dans diverses capitales européennes, ce qui peut coûter très cher. Pourriez-vous avoir l’obligeance de nous en préciser le montant?

Merci.

Le sénateur Boehm : Je crois qu’il s’élève à environ 275 000 $, sénatrice Batters. Nous l’avons réduit de plus de 100 000 $. Je n’ai pas le montant exact sous les yeux.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Sénateur Boehm, j’aimerais savoir ceci : considérez-vous qu’une étude en matière de diplomatie internationale et d’efficacité de notre service extérieur devrait se faire auprès de municipalités à l’intérieur du Canada?

Le sénateur Boehm : Merci pour la question, madame la sénatrice. Nous avons prévu de voyager seulement à l’extérieur du Canada.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, intitulé Catalyseur du changement : une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, adopté par le Sénat le 3 novembre 2020, durant la deuxième session de la quarante-troisième législature, proposant que l’Agence du revenu du Canada inclue des questions dans les formulaires T3010 (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et T1044 (pour les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale) au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration en fonction des lignes directrices existantes sur l’équité en matière d’emploi.

L’honorable Marilou McPhedran : En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés, et de la patrie de la nation métisse.

Je tiens à souligner que le Parlement du Canada est situé sur un territoire algonquin anishinabe non cédé et non restitué.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la motion no 3 de la sénatrice Omidvar, qui nous demande de mettre en œuvre la huitième recommandation du rapport de 2019 du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, dont le président était l'ancien sénateur Terry Mercer et la vice-présidente, la sénatrice Ratna Omidvar.

La huitième recommandation est simple et facile à mettre en pratique. Elle exige que l’Agence du revenu du Canada inclue, dans les formulaires de déclaration de revenus pour les organismes de bienfaisance enregistrés et les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale, des questions sur la représentation de la diversité dans les conseils d’administration. Je félicite la sénatrice Omidvar d’avoir présenté cette motion. Trop souvent, d’excellents rapports du Sénat qui proposent des stratégies pour apporter des changements raisonnables et nécessaires ne se traduisent pas en mesures aussi concrètes.

(1600)

Le secteur sans but lucratif est un moteur et un catalyseur économiques au pays. Le Canada compte plus de 170 000 organismes de bienfaisance et sans but lucratif; ils sont dirigés en grande partie par des conseils d’administration qui ne représentent souvent pas la diversité des populations qu’ils desservent et du Canada dans son ensemble. En appuyant cette motion, je ne veux pas diminuer le travail que ces organismes font. Je veux plutôt souligner le fait qu’un manque de diversité et de représentation sape la légitimité, limite les voix et les idées, et creuse un fossé entre les groupes et les populations que ces conseils d’administration desservent.

L’efficacité du secteur de la bienfaisance est minée lorsqu’on a l’impression que des préjugés ou des formes d’exclusion ou de méfiance sont à l’œuvre. De plus, lorsque les conseils d’administration ne se préoccupent pas de la diversité, un fossé se creuse inévitablement avec les populations qu’ils desservent, ce qui entraîne des réseaux restreints, des sources de financement limitées et une difficulté à développer de nouvelles idées. Un manque de diversité peut créer un préjugé de conformité ou une pensée de groupe, ce qui peut mener à des décisions stratégiques nuisant à l’efficacité.

La sénatrice Omidvar a fourni une explication détaillée sur le manque de diversité dans le secteur, surtout dans les postes de gestion. C’est ce qu’on appelle parfois « l’effet couche de neige ». Cet effet se produit lorsque les employés racisés occupent les postes de première ligne, alors que les postes de direction sont occupés par des personnes non marginalisées. Une autre conséquence imprévue est « l’effet de clonage », qui a trait aux préjugés, inconscients ou autres, qui existent quand, en recrutant de nouveaux membres aux conseils d’administration, les commissaires ont tendance à chercher des candidats dans leur entourage immédiat, se clonant presque, en réalité, avec des personnes qui leur ressemblent, qui pensent comme eux et qui mènent une vie semblable à la leur. Cela crée des conseils d’administration homogènes qui risquent d’être déconnectés des communautés dans le besoin.

Les conseils d’administration qui ne représentent pas leurs communautés desservent mal les populations et créent des obstacles, pour les groupes qui méritent l’équité, à l’accession à des postes d’autorité. En revanche, un conseil diversifié peut apporter un point de vue réaliste sur la communauté, renforcer ses liens, accroître sa crédibilité auprès de sa clientèle, recueillir davantage de fonds et contribuer à la création et la mise en œuvre de politiques efficaces. Essentiellement, la diversité permet au conseil d’être plus efficace dans l’accomplissement de sa mission.

Notamment, le Canada ne dispose pas de mécanismes élaborés de rapports et de statistiques sur la diversité dans le secteur caritatif. En 2021, Statistique Canada a lancé son premier questionnaire volontaire pour recueillir des renseignements sur la diversité au sein des organismes de bienfaisance et des conseils d’administration des organismes sans but lucratif du Canada. Bien que les données n’aient pas été recueillies à l’aide d’un échantillonnage probabiliste, les résultats démontrent le manque d’équité dans le secteur caritatif canadien. Plus de 40 % des répondants ont indiqué que leur organisme n’avait même pas de politique en matière de diversité. À l’inverse, les organismes qui ont fait état d’une politique de diversité ont indiqué qu’ils comptaient une proportion plus élevée de représentants de la diversité au sein de leurs conseils d’administration, notamment des personnes vivant avec un handicap, des membres des Premières Nations, des Métis, des Inuits, des minorités visibles et des personnes LGBTQ+.

Les évolutions récentes dans le secteur privé du Canada indiquent que des exigences accrues en matière de rapports sur la diversité peuvent se traduire par des avancées concrètes en matière de diversité pour les conseils d’administration. Depuis que des modifications ont été apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions en 2020, exigeant des organisations cotées en bourse qu’elles publient des renseignements sur la diversité de leur conseil d’administration et sur leurs politiques en matière de diversité, des évolutions substantielles, mesurables et positives ont été observées. Les modifications ont probablement contribué à susciter un changement normatif, les conseils d’administration ayant enregistré une augmentation de la représentation des minorités, des femmes et des Autochtones.

Pour pouvoir adopter des politiques ou des réformes judicieuses, il faut d’abord s’appuyer sur des données et promouvoir la transparence et la reddition de comptes. L’adoption de la motion no 3 permettrait de renforcer les exigences nécessaires en matière de reddition de comptes sur la diversité au sein des conseils d’administration du secteur de la bienfaisance et de jeter les bases d’une réforme plus ciblée et axée sur l’information et les données recueillies. On pourrait aussi pousser le secteur à changer ses normes en exigeant que les organisations se penchent sur la composition de leur conseil d’administration et sur leurs politiques en matière de diversité ou sur l’absence de telles politiques.

Je félicite la sénatrice Omidvar du leadership qu’elle exerce depuis longtemps dans le secteur sans but lucratif. Cette motion s’appuie sur le travail crucial de la société civile pour indiquer dans quels domaines il serait essentiel de faire plus d’études, de collecte de données et d’enquêtes en vue de promouvoir la croissance et les changements nécessaires pour faire du Canada une société plus juste et efficace dotée d’une économie plus inclusive, ce qui contribuerait aussi à renforcer la démocratie.

Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

Motion tendant à demander au gouvernement de désigner immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que, compte tenu des informations faisant état de violations des droits de la personne, de répression et d’exécutions de ses citoyens, en particulier les femmes, en Iran par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), le Sénat demande au gouvernement de désigner immédiatement le CGRI comme entité terroriste.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je prends la parole pour appuyer la motion de la sénatrice Ratna Omidvar, qui demande au gouvernement d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. D’emblée, je voudrais dire que la sénatrice Omidvar a parlé la semaine dernière avec beaucoup de cœur et d’intelligence de ce régime et de l’Iran, où elle a vécu. Je suis de son avis.

En raison des violations des droits des citoyens, des femmes et des répressions contre les manifestants, le gouvernement canadien devrait utiliser cette désignation d’entité terroriste afin d’accroître les pressions sur le régime iranien.

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique est né dans la foulée de la révolution islamique de 1979. Cette milice constitue l’une des organisations paramilitaires les plus puissantes du Moyen‑Orient. Elle exerce une influence sur près de la moitié de l’économie iranienne, en plus de s’immiscer en Europe et aux États‑Unis.

En 2020, l’Institut Tony Blair, en Grande-Bretagne, a mis au jour des manuels d’entraînement dont se sert le Corps des Gardiens de la révolution islamique pour endoctriner les recrues. On y fait la promotion d’une idéologie violente et extrémiste, où les opposants politiques au régime sont présentés comme des apostats.

Jusqu’à maintenant, seuls les États-Unis ont désigné le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste. Des parlementaires, en Europe et en Grande-Bretagne, font eux aussi des pressions politiques dans le même sens.

Pour sa part, le Canada a opté pour une stratégie de sanctions graduelles, plutôt que de mettre la totalité du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste noire. Depuis octobre dernier, le gouvernement a interdit à près de 1 000 hauts dirigeants iraniens d’entrer au pays. D’autres sanctions ont suivi, sans toutefois que l’on ait invoqué l’article 83.05 du Code criminel, qui permet aux juges d’ordonner que cette entité soit inscrite sur la liste des groupes terroristes.

(1610)

Actuellement, plus de 70 organisations sont désignées comme des entités terroristes en vertu de cette disposition, ce qui permet à la cour d’ordonner la saisie et le blocage de certains biens. Parmi les entités désignées, on retrouve depuis 10 ans la Brigade al-Qods des Gardiens de la révolution islamique, unité clandestine qui fournit des armes et du financement aux groupes extrémistes.

Pour justifier la politique du Canada, David Lametti, ministre de la Justice, a expliqué que le Corps des Gardiens de la révolution islamique fait partie de l’armée dans un pays où le service militaire est obligatoire. Il disait craindre que le recours à l’article 83.05 du Code criminel soit injuste, car le Canada aurait pu cibler des opposants au régime iranien, réfugiés au Canada, qui auraient été de simples conscrits.

Dans les faits, toutefois, la désignation affecterait surtout les hauts gradés qui ont des avoirs, qui peuvent faire de l’ingérence au Canada ou essayer de franchir notre frontière.

La Chambre des communes a déjà adopté une motion à ce sujet en 2018, laquelle n’a eu malheureusement aucune suite.

Il est temps que le Sénat se prononce à son tour, dans l’espoir que le Parlement parle d’une seule voix et demande au gouvernement de reconnaître la réalité telle qu’elle est : le Corps des Gardiens de la révolution islamique est une entité terroriste et doit être traité comme tel. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets négatifs de la désinformation et des fausses informations relatives à la santé sur la société, et les mesures efficaces pour contrer ces effets—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Cormier,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les effets négatifs de la désinformation et de la mésinformation en matière de santé sur la société canadienne ainsi que les mesures efficaces qui pourraient être mises en œuvre pour les contrer;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 31 mai 2024 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 113, qui propose que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie mène une étude sur la désinformation en matière de santé, sur ses répercussions sur les Canadiens et sur les remèdes possibles.

En avril de cette année, le commissaire de la Food and Drug Administration, Robert Califf, a indiqué que la récente baisse de l’espérance de vie aux États-Unis était en grande partie due à la hausse de la désinformation en matière de santé.

En janvier 2023, dans un rapport intitulé Lignes de faille, le Conseil des académies canadiennes a établi qu’entre mars et novembre 2021 seulement, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, au moins 2 800 pertes de vie canadienne et plus de 10 000 hospitalisations auraient pu être évitées et que 300 millions de dollars de frais hospitaliers auraient pu être économisés si la désinformation n’avait pas influencé les comportements des Canadiens en matière de santé. La désinformation sur les vaccins est en grande partie responsable de ces résultats négatifs.

Dans une étude publiée dans la revue The Lancet du 23 juin 2022, le Dr Oliver Watson et ses collègues ont utilisé l’analyse de la surmortalité pour déterminer que les vaccins ont permis d’éviter 19,8 millions de décès dans le monde au cours de la première année de vaccination contre la COVID-19.

Dans un rapport de décembre 2022 de l’Institut C.D. Howe intitulé Damage Averted : Estimating the Effects of Covid-19 Vaccines on Hospitalizations, Mortality and Costs in Canada, on souligne qu’entre janvier 2021 et mai 2022, les vaccins ont très efficacement réduit les cas de COVID-19, les hospitalisations et les décès : il y a eu 21 % moins de cas, 37 % moins d’hospitalisations et 34 900 moins de décès. D’après la modélisation économique utilisée dans le rapport, le rapport coût-bénéfice net se situerait entre 0,4 et 2,1 milliards de dollars si l’on considère seulement les économies de coûts. Lorsque l’on tient compte de la valeur statistique de la vie, ces économies augmentent de 27,6 milliards de dollars.

Pourtant, la désinformation concernant les vaccins continue de se répandre et de parvenir à d’innombrables Canadiens par le truchement des médias sociaux et des « chaînes d’information alternatives » qui promeuvent et diffusent de nombreux types de désinformation. Or, la croyance en la désinformation relative à la santé est liée à la croyance en divers types de théories du complot. Ensemble, ces forces contribuent à ce que des chercheurs, tels que Kathleen Higgins et Ralph Keyes, ont appelé l’« ère de post‑vérité », avec les polarisations sociales qui en découlent.

Récemment, le Sénat a présenté une mesure législative visant à améliorer le plan d’action national pour répondre aux besoins des personnes et des familles vivant avec l’autisme, ce qui, évidemment, constitue une avancée très importante. L’autisme est un problème de santé qui fait l’objet de controverse et d’une campagne de désinformation depuis un certain temps déjà. Parmi les faussetés qui sont véhiculées, mentionnons notamment des affirmations carrément fausses et discréditées selon lesquelles les vaccins courants causeraient l’autisme et la promotion enthousiaste — et, je me permets d’ajouter des ventes hautement profitables — de prétendus traitements alternatifs dont l’efficacité ne repose sur aucune preuve scientifique et qui dans certains cas pourraient causer davantage de tort que de bien, comme la manipulation cranio-sacrée, le traitement par chélation du fer, et l’utilisation quotidienne — par voie orale, par bain ou par lavement — de bioxyde de chlore, également appelé Miracle Mineral Solution ou Master Mineral Solution, ou plus communément eau de Javel.

Les préoccupations généralisées concernant la désinformation en matière de santé sont résumées dans le préambule du rapport du Conseil des académies canadiennes :

La mésinformation peut causer des préjudices importants aux individus, aux communautés et à la société. Parce qu’elle est conçue pour faire appel à nos émotions et exploiter nos raccourcis cognitifs, tout le monde y est susceptible. Nous sommes particulièrement vulnérables à la mésinformation en temps de crise, lorsque ses conséquences sont les plus graves. La mésinformation en science et en santé nuit au bien-être de nos communautés par le biais de maladies, de décès et de pertes économiques évitables, ainsi qu’à notre bien-être social par la polarisation et l’érosion de la confiance de la population. Ces préjudices pèsent souvent plus lourdement sur les plus vulnérables.

Dans son rapport de 2020, intitulé Confronting Health Misinformation, le directeur du Service de santé publique des États‑Unis fait également état de l’incidence négative de la désinformation et réclame la prise de mesures immédiates efficaces pour s’attaquer à cette pratique dans le domaine de la santé :

La mésinformation en matière de santé constitue une menace sérieuse pour la santé publique. Elle peut semer la confusion et la méfiance, nuire à la santé des gens et saper les efforts de santé publique. Limiter la diffusion de la mésinformation en matière de santé est un impératif moral et civique qui nécessitera un effort de l’ensemble de la société.

Malheureusement, il n’existe pas vraiment, au Canada, d’action coordonnée et efficace, soutenue par le gouvernement fédéral, pour lutter contre la mésinformation dans le domaine de la santé. Certaines interventions sont en cours, comme l’initiative LaSciencedAbord, pour laquelle le professeur Timothy Caulfield et moi-même avons agi comme catalyseurs au cours de la première année de pandémie — je le précise par souci de transparence. Plusieurs autres activités financées par le gouvernement sont en cours, notamment par l’intermédiaire de l’Initiative de citoyenneté numérique, du fonds pour renforcer la confiance à l’égard des vaccins au Canada, et du Défi de l’innovation communautaire des vaccins.

Un site Web du gouvernement explique ce qu’est la désinformation et comment la déceler. J’ai mené récemment un sondage informel auprès de 48 sénateurs et membres du personnel, et seulement deux personnes connaissaient l’existence de ce site et une seule avait pris la peine de le consulter. L’efficacité de cette initiative laisse donc à désirer.

Ajoutons que le gouvernement du Canada a commandé plusieurs rapports à propos de cet enjeu, par exemple Misinformation in Canada: Research and Policy Options, produit par le groupe Evidence for Democracy; La désinformation en science dans le contexte de la COVID-19, produit par le Forum des politiques publiques; ainsi que Connexions vulnérables et Lignes de faille, produits par le Conseil des académies canadiennes.

Pourtant, seule une minorité de Canadiens a reçu tous ses vaccins, et la désinformation en matière de santé continue de proliférer. Il y a tout juste deux semaines, UNICEF Canada a indiqué que le pourcentage de Canadiens qui pensent que la vaccination des enfants est importante a diminué de 8 % depuis le début de la pandémie. Si cette tendance se poursuit, nous pouvons nous attendre au retour d’une myriade de maladies infectieuses mortelles, dont la rougeole, la polio et même la variole. En outre, la désinformation en matière de santé est de plus en plus utilisée pour vendre en ligne de soi-disant remèdes ou traitements contre la COVID-19 ou d’autres maladies, qui sont non réglementés et éventuellement nocifs.

Les rapports que j’ai mentionnés précédemment contenaient un certain nombre de recommandations à l’intention des citoyens, des gouvernements et des plateformes de médias sociaux que les auteurs jugeaient nécessaires pour lutter efficacement contre la désinformation. Il s’agit notamment de sensibiliser les entreprises de médias sociaux à leur rôle d’outils ou de fournisseurs de désinformation ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation du public efficaces pour contrer les effets néfastes de la désinformation sur la santé et la société, autant de points qui pourraient être examinés plus en profondeur dans le cadre d’une étude en comité.

Chers collègues, il faut agir, et notre travail au Sénat, par le biais d’une étude Comité des affaires sociales, peut contribuer de manière importante à contrer les effets négatifs de l’hydre qu’est la désinformation en matière de santé.

(1620)

Comme nous le savons, la désinformation en matière de santé a toujours existé, mais ces dernières années, elle est devenue une préoccupation de plus en plus importante ayant une incidence négative bien établie sur la santé des individus et des populations. Elle a également un effet néfaste sur notre confiance envers les autorités de santé publique et les fournisseurs de soins de santé, de même que sur notre bien-être social et économique. Elle s’immisce dans un cadre social qui rejette l’expertise, confond études scientifiques et information, et encourage les attaques verbales, voire physiques, contre les scientifiques et les fournisseurs de soins de santé.

D’ailleurs, selon l’Organisation mondiale de la santé, cette menace pernicieuse croissante, qu’elle appelle une « infodémie », s’est propagée à la grandeur de la planète et, à ce jour, nos sociétés n’ont encore trouvé aucun remède complet, efficace et durable.

Le Sénat du Canada est connu pour les études solides que réalisent ses comités. J’espère que le Comité des affaires sociales pourra examiner en profondeur les aspects complexes et difficiles de la désinformation en matière de santé, notamment ses répercussions sur les Canadiens, et qu’il sera en mesure de recommander des solutions efficaces pour y remédier.

Aujourd’hui, j’aimerais formuler quelques conseils pour orienter le comité dans ses travaux. D’abord, je vais expliquer ce qu’on entend par « désinformation » et « mésinformation ».

De manière générale, on entend par désinformation les renseignements faux ou inexacts qui ont été créés délibérément pour tromper. Les auteurs de ces renseignements sont des entités uniques, autant des organisations que des personnes, et ils les diffusent pour diverses raisons. Ces entités peuvent autant être à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières du Canada. Parmi celles‑ci, on retrouve des gouvernements étrangers qui utilisent la désinformation dans le but de créer des divisions internes et des conflits civils dans notre pays, ou encore des groupes ou des individus qui utilisent la désinformation à des fins vénales ou idéologiques, ou les deux.

Je pense, par exemple, aux tentatives de la Russie de fomenter des dissensions civiles au Canada en diffusant des messages contre la vaccination par l’entremise de diverses sources. Il y a aussi les experts en santé autoproclamés qui ont propagé de l’information anti-vaccination comme moteur pour stimuler les ventes de leurs prétendus produits de santé — Mercola Market est un exemple flagrant.

La mésinformation correspond aussi à des renseignements qui sont faux, mais elle sert souvent à désigner le processus de transmission de la désinformation. Ce processus est souvent le fait d’individus ou de groupes qui ne prennent pas le temps d’évaluer d’un œil critique ce qu’ils propagent, ou qui agissent sous le coup d’un investissement émotionnel dans le message véhiculé.

Par souci de concision, j’utiliserai le mot « désinformation » pour faire référence à la fois au fait de transmettre de manière délibérée ou par inadvertance des renseignements faux ou inexacts qui ont pour but de tromper. Le résultat est semblable.

Malheureusement, chers collègues, la désinformation sur la santé est aussi une voie pavée de théories du complot et d’institutions opposées à la société civile. Des recherches solides démontrent que dès qu’une personne met le pied dans le piège de la désinformation sur la santé, cette personne est beaucoup plus susceptible de croire à au moins une théorie du complot, et lorsqu’on croit à une théorie du complot, on est plus susceptible de croire à plusieurs autres théories du genre.

Voici certaines théories du complot classiques sur les vaccins liées à la désinformation sur la santé : les vaccins contre la COVID-19 sont des armes biologiques visant à éliminer la population; les vaccins contre la COVID-19 contiennent des micropuces qui seront utilisées par Bill Gates, le Forum économique mondial et l’Organisation mondiale de la santé pour contrôler la population; les vaccins modifient l’ADN des gens; les vaccins sont la cause des variants de la COVID-19; et les vaccins ont provoqué un grand nombre de décès soudains.

Ce sont toutes des théories du complot qui émanent de la désinformation sur la santé, l’utilisent et l’amplifient.

Ce qui est préoccupant, c’est que ces théories du complot liées à la désinformation sur la santé sont de plus en plus liées à d’autres théories du complot, comme la grande réinitialisation et le fait que le Forum économique mondial et l’Organisation mondiale de la santé sont en train de prendre le contrôle d’États souverains.

Souvent, ces théories complotistes se répandent grâce à des algorithmes dans les médias sociaux et par l’entremise de sources d’information alternatives comme BitChute, Rumble, Infowars, Gateway Pundit, Last Line of Defense, Natural News et The Unhived Mind, pour ne nommer que celles-là.

Lorsqu’une personne influencée par la désinformation sur la santé consulte ces sources, elle peut se mettre à croire à d’autres théories du complot portant sur de nombreux autres sujets.

Au Canada, EKOS Politics a créé un indice de désinformation axé en grande partie sur la croyance en la désinformation en matière de santé.

Les Canadiens qui ont un indice élevé, ce qui signifie qu’ils croient à la désinformation en matière de santé — soit environ 15 % des Canadiens —, sont beaucoup plus susceptibles de se méfier des conseils de santé publique et de ne pas les suivre, beaucoup plus susceptibles d’ignorer l’importance des préoccupations autochtones et beaucoup plus susceptibles d’ignorer l’importance des changements climatiques.

De plus, selon les données du sondage EKOS, les Canadiens qui ont un indice de désinformation élevé ont tendance à appuyer la guerre de la Russie contre l’Ukraine.

Cela cadre avec les alertes lancées par de nombreuses personnes, dont Marcus Kolga de l’Institut Macdonald-Laurier, qui a clairement démontré le rôle que joue la Russie dans la diffusion de la désinformation en matière de santé au Canada. D’autres universitaires ont fait remarquer que la Chine participe aussi activement à la diffusion de la désinformation en matière de santé.

L’impact de la désinformation en matière de santé et des théories du complot sur les familles est une autre question qui a reçu peu d’attention de la part des médias. Comme certains d’entre nous le savent d’expérience, l’adhésion à la désinformation en matière de santé et aux théories du complot peut déchirer des familles qui seraient autrement unies. Si la désinformation en matière de santé peut avoir de telles répercussions sur les familles, imaginez ce qu’elle peut faire aux collectivités ou à la société civile.

En effet, certains universitaires ont déjà souligné la relation entre la désinformation en matière de santé et la polarisation sociale et civique.

Chers collègues, de nombreuses solutions ont été proposées pour contrer la désinformation en matière de santé. Une étude approfondie du Comité permanent des affaires sociales devrait en faire une analyse critique afin d’orienter la manière d’appliquer celles qui sont efficaces. Ces solutions nécessiteront peut-être de nombreuses interventions simultanées, et elles devront être bien appuyées, établies en dehors du gouvernement et durables, car nous visons le long terme.

Chers collègues, le Sénat est connu pour l’excellent travail accompli par ses comités, travail qui aide les Canadiens à aborder des questions complexes et des sujets difficiles. La désinformation en matière de santé, ses répercussions négatives, ainsi que les solutions efficaces possibles et la manière de les appliquer figurent parmi les questions complexes et pernicieuses auxquelles la société canadienne est confrontée.

Je me réjouis à l’idée de poursuivre le débat sur cette motion et de l’adopter rapidement afin que le Comité permanent des affaires sociales puisse se pencher sur ce sujet difficile.

Merci. Wela’lioq.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, chers collègues, mais il n’y a plus de temps pour le débat, à moins que le sénateur Kutcher ne veuille demander le consentement du Sénat pour poursuivre pendant cinq minutes supplémentaires.

Le sénateur Kutcher : Si telle est la volonté du Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Kutcher, la motion que vous avez présentée me semble importante. Je souhaite simplement comprendre l’étendue de ce que vous recommandez au Comité des affaires sociales concernant l’examen et le compte rendu des effets négatifs de la désinformation en matière de santé sur la société canadienne et les mesures efficaces qui peuvent être mises en œuvre pour contrer ces effets.

Vous avez parlé d’une « voie pavée de théories du complot ». Vous avez parlé du « piège de la désinformation » et des autres enjeux. Pensez-vous que cette étude devrait se concentrer exclusivement sur la désinformation en matière de santé ou considérez-vous cette dernière comme un cheval de Troie susceptible d’agir comme porte d’entrée pour d’autres aspects de la désinformation que le comité pourrait également étudier?

Je suis simplement curieuse de savoir jusqu’où vous pensez que l’étude du comité devra aller, le cas échéant.

Le sénateur Kutcher : Merci de votre question. C’est un enjeu important.

Mon intention est que le comité étudie la question de la désinformation relative à la santé. Je ne crois pas que ce soit à moi de dire au comité quelles devraient être les limites de son étude ni quelle orientation devrait prendre cette étude. Les comités sont maîtres de leurs travaux et ces décisions reviendraient au comité lui-même.

Le comité, comme tous les autres comités sénatoriaux, est composé d’un excellent groupe de personnes et nous voulons nous assurer qu’il revienne aux membres du comité et du comité directeur — sous la direction éclairée de la sénatrice Omidvar — de prendre les décisions concernant les paramètres de l’étude.

Je rappelle aux Sénateurs que des comités sénatoriaux ont déjà mené des études qui ont duré plusieurs années et qui ont eu un impact majeur pour l’amélioration de la société canadienne. Mon objectif est de commencer par la désinformation relative à la santé et, si tel est la volonté du comité, ce dernier pourra, à sa guise, étendre l’étude à d’autres champs.

L’honorable Marty Deacon : Le moment choisi pour cette étude est intéressant. En effet, hier, le Comité de la sécurité nationale et de la défense s’est penché sur la désinformation en matière de sécurité nationale. Cependant, cela n’a pas exclu la tenue d’une conversation sur la santé et les enjeux qui y sont liés; par exemple, la COVID-19. Cela fait certes partie du débat. Il ne fait aucun doute que cette question est extrêmement complexe.

(1630)

Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une question de portée. Cependant, je me demande, sénateur Kutcher, si vous siégiez au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et que vous étudiiez ce sujet, quels experts à l’extérieur du secteur de la santé... j’allais vous demander quelle serait votre solution idéale, mais c’est un enjeu si complexe. Quels experts aimeriez-vous convoquer dans le cadre de ce débat?

Le sénateur Kutcher : Je vous remercie de la question, sénatrice Deacon. Chose certaine, l’expertise nécessaire pour cette étude dépendra de l’orientation que le comité prendra.

Le premier type d’expertise devrait permettre de définir ce qu’est la désinformation sur la santé. Quelles répercussions cette désinformation a-t-elle eues sur la santé des Canadiens et l’économie du pays? Quels effets a-t-elle eus sur la structure de nos institutions et nos relations avec le personnel soignant? Autrement dit, le personnel soignant a été victime de violence à cause de la désinformation. Y a-t-il des populations précises au Canada qui sont plus vulnérables à la désinformation? Que pouvons-nous faire pour assurer un traitement équitable à ces populations? Ce serait mon point de départ.

On peut déjà voir qu’une telle étude aura recours à un bon nombre de témoins ayant une solide expertise à l’égard de ces domaines très différents, et il y en aura bien d’autres que ceux qui me viennent spontanément à l’esprit.

Je m’intéresse à cette question depuis quelques années et je suis très encouragé par la quantité de travaux remarquables et de recherches vraiment rigoureuses sur ces sujets. Certains experts canadiens sont considérés dans le monde entier comme des spécialistes de l’ère de la désinformation dans le domaine de la santé. On retrouve aussi certains de ces experts remarquables aux États-Unis, au Royaume-Uni et même à l’Organisation mondiale de la Santé. J’espère que le comité jugera bon de faire appel à l’expertise de ces autres personnes qui peuvent nous aider à comprendre quelles pourraient être les conséquences de cette désinformation, non seulement dans le contexte canadien, mais aussi dans un contexte mondial.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Banques, commerce et économie

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des questions relatives aux banques et au commerce en général

L’honorable Pamela Wallin, conformément au préavis donné le 25 avril 2023, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 16 décembre 2021, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie concernant son étude sur toute question concernant les banques, le commerce et l’économie en général, tel qu’établi à l’article 12-7(10) du Règlement, soit reportée du 30 juin 2023 au 31 décembre 2025.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Marty Klyne, ayant donné préavis le 28 mars 2023 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur l’apport commercial et économique continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse de lancer cette interpellation visant à reconnaître la contribution des entreprises détenues et contrôlées par des Autochtones au Canada. Les entrepreneurs et les entreprises autochtones contribuent de façon essentielle à l’indépendance, à la création de la richesse et à l’autodétermination au sein des peuples autochtones. Les expériences qui seront racontées dans le cadre de cette interpellation permettront de donner des exemples d’entreprises autochtones qui ont eu énormément de succès, et surtout, de souligner leur contribution précieuse à l’économie du pays et l’importance de tirer profit des ressources et des capacités de productivité et d’innovation qui demeurent inexploitées.

Je vous dirais également qu’il est essentiel que nous nous penchions sur des moyens d’éliminer des obstacles afin de faciliter l’accès à la formation, au perfectionnement et aux capitaux de manière à développer davantage l’économie du pays.

Je suis fière de pouvoir prendre la parole dans cette enceinte pour raconter ces expériences, et j’ai hâte d’entendre d’autres sénateurs participer à cette conversation dans les semaines et les mois à venir.

Honorables collègues, nous parlons beaucoup de réconciliation, et plus particulièrement du respect des droits et de la réparation des injustices. La réconciliation économique est un sujet connexe qui mérite toute notre attention. Le Canada pourra avancer plus vite et aller plus loin si tous ses habitants ont des chances égales de prospérer et de contribuer à l’enrichissement collectif.

C’est d’ailleurs un des points abordés dans le rapport que le Groupe d’action sénatorial pour la prospérité a publié en 2021. Par conséquent, tâchons de reconnaître et de célébrer l’excellence des entreprises et des organismes de développement économique autochtones du Canada qui contribuent à créer de la richesse, à promouvoir l’indépendance et l’autodétermination, et surtout, à donner de l’espoir.

Depuis des décennies, on entend dire que les entreprises autochtones sont peu nombreuses, accusent du retard, dépendent largement de l’appui du gouvernement et font une contribution insignifiante au PIB de même qu’au tissu social et au bien-être de la population du Canada. Or, la réalité indique tout le contraire. Le Conseil national de développement économique des Autochtones révèle que plus de 50 000 entreprises sont détenues par des Autochtones au Canada et qu’ensemble elles contribuent au produit intérieur brut à hauteur de 31 milliards de dollars par année.

Qui plus est, dans le rapport de 2021 du Groupe d’action sénatorial pour la prospérité mentionné précédemment, des acteurs de premier plan dans le développement économique autochtone au pays ont indiqué qu’au cours des prochaines années, les entreprises détenues par des Autochtones au Canada contribueront au PIB à hauteur de 100 milliards de dollars.

On compte plus de 50 institutions financières autochtones au Canada d’un océan à l’autre qui financent le lancement, l’expansion et l’acquisition d’entreprises appartenant à des Autochtones et dirigées par des Autochtones. Bon nombre de ces institutions, qui avaient au départ un capital de 5 millions de dollars, ont consenti des prêts notamment pour le démarrage d’entreprises. Ces bailleurs de fonds ont été remboursés avec intérêts et ont prêté de nouveau, faisant fructifier de nombreuses fois leur capital et créant des milliers d’emplois. En tant que bailleurs de fonds pour le développement, ces institutions financières autochtones jouent essentiellement le même rôle que les grandes banques et les coopératives de crédit et offrent un financement équivalent. Bref, lorsqu’elles prêtent 1 $, ces institutions financières autochtones ont un rendement de 3 à 4 $.

Elles fournissaient également des services de planification et de consultation aux entreprises. En fin de compte, le coût de la création d’un emploi était bien inférieur à celui de tout programme gouvernemental — et de loin —, sans parler du renforcement des capacités et de la création de richesse par la même occasion. Par ailleurs, les provisions relatives aux pertes sur prêts de ces institutions financières autochtones étaient extrêmement favorables, en grande partie à cause de la surveillance officieuse exercée par les pairs et par la communauté.

Je vais vous donner l’exemple d’une organisation de ma province, la Saskatchewan, qui vous montrera à quoi ressemblent les organisations autochtones modernes au Canada. Je commencerai par l’histoire de la Première Nation dakota de Whitecap et de l’inspirante réussite économique qu’elle a connue au cours des trente dernières années. Les origines de la nation dakota de Whitecap remontent à des temps immémoriaux. Son histoire est riche et colorée, et elle illustre le succès obtenu grâce à l’innovation et au travail acharné, malgré les obstacles qui se dressaient contre elle.

Pendant des générations, les Dakotas ont entretenu des liens d’amitié et de partenariat avec la Couronne britannique, et ils se sont ensuite installés dans une région connue sous le nom de Moose Woods, située non loin de Saskatoon. Au fil des ans, alors que le Canada devenait un pays, de nombreux non-Autochtones ont prospéré. Malheureusement et injustement, des générations de Dakotas n’ont pas pu accéder au même niveau de richesses et de prospérité. Les politiques coloniales, y compris les violations des droits et les traumatismes infligés par le système des pensionnats, n’ont pas seulement eu un impact social et culturel négatif sur les Dakotas. Elles ont aussi tragiquement réduit leur capacité économique, ce qui s’est traduit par des années de chômage élevé et de perspectives extrêmement limitées. Ces occasions ratées ne nuisent pas seulement à la Première Nation dakota de Whitecap, mais bien à tout le monde, Autochtones comme non-Autochtones.

(1640)

À un certain moment, la Première Nation dakota de Whitecap a compris qu’elle devait créer elle-même les conditions propices à sa prospérité. Dans les années 1990, sous le leadership du conseil de bande — particulièrement sous celui du chef Darcy Bear —, la nation a décidé a prendre son destin en main. Avec courage et détermination, elle est passée à l’action et s’est mise à la recherche de possibilités de développement afin de bâtir un avenir meilleur pour les gens de la communauté. Faisant preuve de persévérance, la nation a cherché méthodiquement des investissements et a obtenu des résultats. À ce jour, la Première Nation dakota de Whitecap a réussi à attirer plus de 160 millions d’investissements de capitaux dans les secteurs du développement économique et du tourisme, et ce n’est qu’un début.

La nation de Whitecap doit certaines de ses réussites les plus remarquables à la Whitecap Development Corporation. Les organismes voués au développement économique peuvent jouer un énorme rôle quand il s’agit d’attirer des investissements et des occasions de réussite, comme l’exemple de Whitecap le montre à merveille. La nation peut s’enorgueillir d’avoir des entreprises fantastiques, comme le Dakota Dunes Golf Links, un terrain de golf réputé dont le parcours, parsemé de dunes de sable et de roses sauvages, est d’une beauté naturelle à couper le souffle. Il se classe au premier rang parmi les terrains de golf publics de la Saskatchewan, une province qui compte beaucoup de terrains de golf très bien cotés.

La nation de Whitecap possède d’autres entreprises, notamment le centre de villégiature Dakota Dunes et le casino à proximité. Ce lieu de villégiature unique et haut de gamme offre des services exceptionnels dans un contexte mettant en valeur l’histoire et la culture de la nation Dakota de manière authentique. Le parcours de golf, l’hôtel et le casino ne sont pas seulement des installations luxueuses. Ils sont aussi des moteurs économiques importants qui ont contribué à la création d’emplois, procurant ainsi aux jeunes des possibilités qui n’existaient pas pour les générations précédentes.

Aujourd’hui, la nation de Whitecap offre des services de soins de santé et de garderie qui sont accessibles autant aux membres de la bande qu’aux non-membres.

Y a-t-il eu des obstacles en cours de route? Bien sûr. En fait, un grand nombre de sociétés de développement économique autochtone ont tiré une leçon de la pandémie de COVID-19, qui a mis en évidence le fait que la majorité des investissements étaient consacrés à l’industrie touristique. Comme on le sait, ce secteur a été durement touché par la pandémie, ce qui a fait ressortir l’importance de diversifier les secteurs d’activités afin d’être mieux préparées aux contingences.

Comme tant d’autres collectivités entrepreneuriales autochtones au Canada, la nation de Whitecap a trouvé des possibilités là où peu de personnes en voyaient. Cette façon de voir les choses a changé des vies. Cette réserve, qui était au départ isolée sur le plan économique, est devenue un important moteur pour l’économie de notre province. L’histoire de cette nation est très inspirante.

La nation de Whitecap a changé la donne et est maintenant un exemple au Canada de ce qui peut se produire lorsque des Autochtones prennent en main leur propre destinée. C’est ce parcours, cette foi inébranlable en son propre potentiel, qui a motivé la nation Dakota de Whitecap et qui motive tellement d’autres entreprises autochtones au Canada.

Lorsque j’ai discuté du succès de la nation de Whitecap avec le chef Bear, il y a quelques mois, il m’a parlé de l’importance de créer des emplois dans la réserve et de ce que cela signifiait pour son peuple. Il m’a dit que le taux de chômage avait considérablement diminué et que les jeunes avaient davantage de modèles et de meilleurs débouchés. Plus important encore, ces jeunes avaient de l’espoir. Si jamais vous vous demandez pourquoi le taux de suicide est si élevé dans certaines réserves, c’est à cause du désespoir et des sombres perspectives d’avenir.

Les réalisations du chef Bear sont éloquentes. On lui a décerné l’Ordre du Canada et l’Ordre du mérite de la Saskatchewan. En 2012, il a reçu la médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II.

Ses réalisations dans le domaine des affaires sont elles aussi impressionnantes. Il est président de SaskPower; il a fait partie de la liste des dix personnes les plus influentes du Saskatchewan Business Magazine; et il a été nommé développeur économique de l’année par CANDO en 2006. Plus récemment, en 2016, il a reçu le prix pour l’ensemble des entreprises autochtones du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone.

Je suis également heureux de pouvoir affirmer que la nation Dakota de Whitecap entre dans l’histoire en devenant la première nation autochtone autonome de la Saskatchewan à la suite d’un vote historique de ses membres en octobre dernier. Il s’agit d’une étape importante qui contribue à consolider les efforts déployés par cette nation pour parvenir à une autonomie financière et à une autodétermination encore plus grandes au sein de notre nation des nations.

Jadis, les peuples autochtones ont été les premiers chefs d’entreprise sur le territoire, le commerce continental ayant prospéré avant l’arrivée des Européens. Lorsque les colons sont arrivés, nos peuples ont partagé avec eux ce qu’ils avaient, y compris les connaissances et les ressources locales essentielles, créant ainsi la base du système commercial du pays. La traite des fourrures en est un exemple. Cependant, comme nous le savons tous, l’esprit de respect mutuel et de partenariat qui régnait à l’époque a pris une autre tournure.

En acceptant la vérité historique, la réconciliation vise à raviver l’esprit de respect et d’avantages mutuels, y compris dans les entreprises économiques sur les terres et les eaux partagées. Je pense à l’exploitation des ressources, comme celle des minéraux essentiels, et à tous les domaines de croissance des entreprises qui accompagnent les projets réussis.

Les entreprises autochtones nous entourent. Elles sont présentes partout au Canada, dans les centres urbains comme dans les villes rurales, dans les marchés partout au pays et, oui, à la fois dans les réserves et hors des réserves. Les entreprises autochtones mènent souvent leurs activités dans des domaines où les entreprises non autochtones ne voient pas de débouchés. Elles prennent l’initiative de veiller à ce que les collectivités mal desservies aient accès à des biens et à des services non discrétionnaires. Après tout, il est peu probable que vous trouviez un Shoppers Drug Mart ou un Walmart dans une réserve qui n’est accessible que par avion.

Une étude réalisée en 2016 par le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone a révélé que les entreprises autochtones ont tendance à se concentrer sur les marchés locaux, mais que nombre d’entre elles élargissent désormais leur clientèle au-delà de leurs zones de soutien traditionnelles. C’est dans ces zones que les entreprises autochtones comblent des lacunes, servent des clients et créent des emplois et de la prospérité.

Ce sujet me touche personnellement. Avant de devenir sénateur, j’ai travaillé dans le monde des affaires à la tête de grandes, de moyennes et de petites entreprises, dont une société autochtone de financement qui a financé la création de centaines d’entreprises appartenant à des Autochtones et contrôlées par des Autochtones, qui ont employé des milliers d’Autochtones et de non-Autochtones vivant dans des collectivités éloignées, rurales et urbaines de toute la Saskatchewan.

Depuis des décennies, je fais la promotion de l’éducation des Autochtones, notamment des adolescents et des jeunes adultes, et j’encourage la création d’entreprises autochtones pour engendrer de la richesse et de l’espoir. J’espère que la présente interpellation permettra de faire changer le discours, de mettre fin aux stéréotypes et d’encourager encore plus de jeunes Autochtones à explorer les possibilités commerciales qui s’offrent à eux. J’espère également que nous mettrons en lumière les formidables réussites dont nous sommes témoins d’un bout à l’autre du Canada, que nous élargirons nos connaissances en nous penchant sur les défis et les caractéristiques uniques associées au lancement et à l’exploitation d’une entreprise autochtone, et que nous serons témoins du renforcement de la capacité de créer de la richesse et d’assurer l’indépendance des générations à venir.

À titre de sénateurs, nous sommes on ne peut mieux placés pour faire part de ces réussites puisque nous disposons d’une tribune nationale. Cet enjeu n’a rien à voir avec les lignes partisanes ou idéologiques. Nous tous autant que nous sommes dans cette enceinte devrions souhaiter que les entrepreneurs autochtones remportent du succès, dans l’intérêt de l’ensemble de la société canadienne.

Évidemment, une plus grande prospérité économique pour les Autochtones signifie également une plus grande prospérité pour l’ensemble de la population. Selon un récent rapport de la RBC, si les travailleurs autochtones étaient habilités à participer à l’économie au même titre que les travailleurs non autochtones, une telle inclusion rapporterait 67 milliards de dollars additionnels au PIB du Canada. Les Canadiens ne peuvent se permettre de rater une telle occasion. Je suis emballé de constater la croissance de la représentation autochtone lors de conférences et de sommets économiques, notamment lors du récent Sommet des leaders nord‑américains.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, des progrès ont été accomplis. Le Treaty Land Sharing Network est un autre exemple d’innovation réalisée en Saskatchewan. Fondé à la suite du décès de Colten Boushie, ce réseau a été créé pour permettre aux agriculteurs et aux propriétaires fonciers ruraux de se rapprocher des Premières Nations et des Métis.

Les membres du réseau installent des panneaux sur leurs terres afin d’informer les occupants traditionnels de celles-ci qu’ils peuvent s’y réunir, y chasser, y organiser des cérémonies, et y exercer leurs droits issus de traités en lieu sûr. Ce réseau a non seulement contribué à créer un lieu sûr, mais il a également donné naissance à de nouvelles amitiés, favorisé le transfert de connaissances, et suscité un sentiment d’appartenance renouvelé à la communauté. C’est une importante initiative qui illustre que la collaboration est source de prospérité mutuelle.

Chers collègues, la réconciliation économique est parfois éclipsée par le débat plus large sur la reconnaissance des droits et la réparation des injustices du passé. C’est quelque chose que nous devons changer. Le Canada doit donner aux Autochtones les moyens d’assumer l’entière responsabilité de leur potentiel économique si nous voulons progresser vers un avenir plus équitable. Nous devons en faire davantage pour encourager les entreprises détenues et exploitées par des Autochtones au Canada, et pour favoriser leur développement économique dans le cadre de l’autodétermination. Les résultats sont probants. Il suffit de regarder ce qui se passe dans la Première Nation dakota de Whitecap, dans la bande indienne d’Osoyoos, ou la Première Nation de Membertou. Je sais que la sénatrice Busson aura autre chose à ajouter au sujet de la bande d’Osoyoos.

Honorables sénateurs, j’espère que cette interpellation permettra de mettre en lumière certains des meilleurs exemples de la réussite économique d’Autochtones. Nous pouvons offrir une tribune et donner une voix aux chefs de file autochtones du milieu des affaires et aux entrepreneurs autochtones de demain. La réconciliation économique est avantageuse pour tout le monde. Pendant trop longtemps, des barrières sociales et économiques qui n’auraient jamais dû exister ont divisé ce pays. Chacun mérite une chance équitable de participer à la création de richesse et de contribuer à la prospérité de sa collectivité.

(1650)

J’espère que vous vous joindrez à moi dans cette démarche et j’espère que vous envisagerez tous d’appuyer cette interpellation et d’y participer.

Si vous souhaitez dresser le portrait des réussites d’entreprises autochtones dans votre région, communiquez avec mon bureau; nous serons ravis de vous aider.

Merci. Hiy kitatamîhin.

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l’importante interpellation du sénateur Klyne, qui attire l’attention du Sénat sur l’apport continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada et intervenir à ce sujet. Je suis ravie et honorée de saisir l’occasion, en tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, de souligner l’esprit d’entreprise exceptionnel des nations autochtones de ma province.

Malgré la souffrance et le traumatisme générationnel des pensionnats indiens et de la rafle des années 1960, ces communautés ont employé leur leadership traditionnel ainsi que la détermination qui leur vient d’avoir surmonté de grandes épreuves pour parvenir à des résultats remarquables dans leurs communautés et pour le Canada. Il en existe de nombreux exemples en Colombie-Britannique et je ne peux pas tous les énumérer, mais je vais vous donner une idée des réalisations des nombreuses communautés de la Colombie-Britannique qui se sont engagées sur la voie de l’avenir.

Dans le Nord de ma province, je salue la nation nisga’a qui, en 1999, a signé le premier traité moderne sur les revendications territoriales globales en Colombie-Britannique depuis les traités Douglas de 1854, obtenant ainsi le contrôle de ses terres, y compris de ses ressources forestières, maritimes et minières sur plus de 2 000 kilomètres carrés de territoire dans la vallée de la Nass. C’est le premier gouvernement autochtone à prévoir la propriété en fief simple et sans restriction de zones résidentielles sur son territoire, ce qui permet à ses citoyens d’acheter et de vendre leurs terrains et de les utiliser pour se procurer des capitaux. En débloquant cette ressource importante pour soutenir l’investissement et la croissance économique, on ouvre une nouvelle porte vers la prospérité.

En outre, en 2014, la nation nisga’a est devenue l’autorité principale en matière d’imposition foncière, ce qui lui a permis de lever et de percevoir des impôts fonciers auprès d’entités autres que les citoyens nisga’as, notamment auprès des entreprises qui exploitaient des installations, y compris des oléoducs et d’autres industries. L’attention qu’ils portent aux ressources de leur région illustre leur esprit d’innovation et d’entreprise, et constitue un héritage pour les générations futures.

J’habite à proximité de la nation de Shuswap ou de Secwepemc. Celle-ci gère également un certain nombre d’initiatives économiques dont je voudrais vous parler. La population est particulièrement fière du Quaaout Lodge, un centre de villégiature cinq étoiles au bord du lac, et du terrain de golf Talking Rock. Ce parcours, classé parmi les 20 meilleurs par la PGA, est devenu une destination très prisée où chacun peut trouver son bonheur. Ce lieu est géré et soutenu par la nation de Shuswap, par l’intermédiaire du groupe de gestion des ressources Skwlax. Malgré un récent incendie, la communauté prospère grâce à l’esprit d’entreprise, à la vision et au leadership de ceux qui, inspirés et encadrés par le conseil de bande de Shuswap, ont montré la voie.

La nation haïda de Haida Gwaii est un autre exemple des nombreuses réussites de ma province. Leur modèle unique de gouvernance et de cogestion soutient la formidable croissance et la remarquable résilience de ce magnifique archipel situé près des côtes de la Colombie-Britannique.

Qu’elles travaillent dans le domaine du développement économique ou de l’éducation, ou qu’elles s’engagent dans des partenariats entrepreneuriaux, les entreprises autochtones haïdas sont en plein essor et apportent une valeur ajoutée non seulement à leurs propres communautés, mais aussi à l’ensemble de l’économie canadienne.

Je tiens à mettre en lumière une réussite entrepreneuriale tout à fait remarquable au sud d’où j’habite, dans une région qui s’appelle Thompson-Okanagan. Comme l’a mentionné mon collègue, le territoire traditionnel de la bande indienne d’Osoyoos, qui fait partie de la bande indienne d’Okanagan, se trouve dans la vallée de l’Okanagan et s’étend de l’extrémité nord du lac Okanagan jusqu’à la frontière internationale avec l’État de Washington.

En effet, le territoire historique et traditionnel que la bande a occupé pendant des milliers d’années s’étend loin dans les États‑Unis, mais il a été coupé politiquement lorsque le 49e parallèle est devenu une réalité à l’époque coloniale, quand l’Amérique du Nord a été divisée.

La bande indienne d’Osoyoos, qui est dirigée depuis 1984 par le chef Clarence Louie, a fait preuve d’un excellent leadership en créant et en soutenant des projets entrepreneuriaux pour ses membres et des collectivités de la région. Le chef Louie a reçu de nombreux prix, notamment l’Ordre de la Colombie-Britannique et l’Ordre du Canada. Il est particulièrement fier d’avoir été, en 2019, le premier Autochtone à être intronisé au Temple de la renommée de l’entreprise canadienne. En 2021, il a reçu un diplôme honorifique de l’Université de la Colombie-Britannique, une distinction parmi bien d’autres.

J’ai eu le privilège de m’entretenir avec lui récemment et j’ai beaucoup appris. Il admet volontiers qu’il aurait pu emprunter une autre voie si sa quête de connaissances ne l’avait pas porté à poursuivre des études amérindiennes au Saskatchewan Indian Federated College dans sa jeunesse et à l’Université de Lethbridge par après.

Lorsqu’il est retourné chez lui, il avait une vision axée sur les valeurs traditionnelles et liée à ses compétences exceptionnelles en matière de leadership.

Au cours des 36 dernières années, la bande indienne d’Okanagan est passée d’une réserve pauvre et en difficulté à une entreprise multimillionnaire dont les recettes devraient dépasser les 36 millions de dollars cette année.

Dans son livre hautement respecté, intitulé Rez Rules, le chef Clarence Louie parle clairement de ses entreprises. Il énumère les principes directeurs qu’il observe pour parvenir à la résilience culturelle et atteindre l’indépendance économique. Il explique avec beaucoup de fierté comment ses ancêtres autochtones subvenaient à leurs besoins.

Je le cite :

Ils ont été les premiers entrepreneurs au Canada. Ils étaient des bâtisseurs, des chasseurs, des fabricants. Ils ont survécu en se fiant à leur propre résilience et en faisant preuve d’autonomie. Ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes.

Cette philosophie a été son mantra, le principe qui a guidé toute sa vie. Selon ses propres mots :

Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. Il faut travailler fort tous les jours, mais il faut aussi être déterminé à persévérer et à innover sans cesse.

L’importance que le chef Louie a accordée au développement économique lui a donné les moyens d’améliorer le niveau de vie de son peuple et de permettre à ce dernier de devenir autosuffisant, tout en conservant la culture et la langue okanagan dans tous les volets des activités de la bande. Cela a inspiré la vision qu’il avait pour elle.

Preuve de son succès, la bande indienne d’Okanagan ne connaît presque pas de chômage et fait même venir des travailleurs d’autres réserves de Colombie-Britannique et d’ailleurs.

La société de développement économique de la bande indienne d’Okanagan est propriétaire de nombreuses entreprises. La pierre angulaire de ce conglomérat est le Centre culturel du désert de Nk’Mip. Situé dans une aire de conservation du désert de 1 600 acres, le centre est constitué de galeries intérieures et extérieures qui offrent un cadre d’apprentissage interactif, notamment des centres didactiques multimédias, qui permettent de découvrir de façon pratique le riche patrimoine, les traditions et la culture du peuple okanagan.

Il faut également faire mention du Club de golf du canyon désertique de Nk’Mip, destination de calibre mondial pour les championnats de golf. Les concepteurs ont suivi les conseils des aînés et d’autres intervenants et se sont inspirés de la symétrie brute du paysage, des canyons et du vent, pour mettre en valeur la beauté saisissante du lieu.

À ces entreprises s’ajoutent le vignoble et établissement vinicole Nk’Mip Cellars, qui constitue un incontournable de la réserve. Il s’agit du premier établissement vinicole en Amérique du Nord appartenant exclusivement à des intérêts autochtones. Sous la direction d’un viticulteur autochtone — qui a été parrainé par la bande pour aller en Californie afin d’apprendre à devenir un vigneron accompli — on y produit de nombreux vins de renommée internationale qui ont été primés. Les détails qu’on retrouve dans cet établissement et sur les bouteilles sont caractéristiques de l’art autochtone.

Ce ne sont là que quelques-unes des réalisations de nombreuses entreprises et projets qui bénéficient de l’appui de la bande indienne d’Okanagan. D’autres entreprises se spécialisent dans les domaines de la technologie, de l’éducation, de la santé et de l’infrastructure. Ces initiatives contribuent à l’indépendance financière de la bande et de la région avoisinante et ouvrent la voie de la prospérité aux générations à venir.

Depuis la vision et la persévérance de la bande indienne d’Okanagan, inspirée par la beauté du paysage, jusqu’à la vision du peuple des Shuswap et au-delà, à la force du peuple des Nisga’a de la vallée de la Nass et d’autres groupes et communautés de la Colombie-Britannique, il y a tant de modèles inspirants et de réalisations extraordinaires parmi les entreprises autochtones que je ne pourrais tous les décrire.

Ces entreprises servent les intérêts de leurs réserves, mais aussi ceux de la province et de l’ensemble du pays. J’attends avec impatience que mes collègues nous parlent des contributions des entrepreneurs autochtones dans les autres parties de ce grand pays. Limlemt. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(À 17 heures, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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